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Littérature -> Poches |
| Sandor Marai La Soeur Le Livre de Poche 2013 / 7,10 € - 46.51 ffr. / 288 pages ISBN : 978-2-253-17558-2 FORMAT : 11,0 cm × 17,8 cm
Première publication en novembre 2011 (Albin Michel) Imprimer
Létrange roman que voilà, le dernier publié par Sándor Márai en Hongrie avant son exil en 1946. On y entre comme dans un pur Zweig : un huis clos dans un chalet des Carpates bloqué par la neige (une «arche»), un climat dattente et dapocalypse (nous sommes fin 1942), le double suicide dun couple bizarre, suivi de la confession posthume dun de ces «exilés volontaires» : le célèbre pianiste Z., frappé par une paralysie digitale depuis 1939, lors dune tournée en Italie.
Champ idéal pour un jeu de correspondances entre destins individuels et tragédie historique. Bien des détails le fait quil soit en outre un compositeur reconnu ayant travaillé sur les «chants populaires français, hongrois et roumains» rapprochent dailleurs Z. de Bartók, exilé de Hongrie en 1940. Autant de pistes que Márai esquisse et gomme aussitôt. Le manuscrit laissé par Z., chronique de son voyage jusquaux limbes de la mort, puis de sa renaissance, constitue lessentiel dun récit aussi «contemplatif, somnambulique et profond» quannoncé par léditeur. Lartiste saccuse davoir trop longtemps «servi le détail» ; le voici châtié par cette maîtresse totalitaire quest la musique, à laquelle il na pas su simmoler.
En réalité, Z. a troqué le piano pour cet instrument quest la maladie, dont Márai décrit, avec une application quasi scientifique, le long et difficile apprentissage. Il saventure au passage sur le terrain de la psychanalyse, puisque Z. fut lamant insatisfait dune femme frigide. On ne sait sil faut attribuer au masochisme, au mysticisme ou à la morphine les délires qui sensuivent. La maladie elle-même devient la symphoniste dont le corps humain nest que lorchestre soumis. Lhôpital kafkaïen où Z. agonise sous le regard de médecins désabusés et sibyllins, mi-nochers mi-chamanes, devient une métaphore du Purgatoire.
Au plus bas de cette descente «en scaphandrier», entre désir de mort et instinct de vie, Z. saisit pourtant la main tendue par la fantasmatique sur Dolorissa, dont le nom est un condensé deros/tanathos. Une sensualité interdite imprègne leurs «rendez-vous chimiques», avant que Z. ne prenne conscience du «sacrifice» consenti par la religieuse. «Peut-être, conclut Márai, se trouvera-t-il des lecteurs qui liront son histoire comme lultime création du musicien, dans laquelle la mélodie est plus importante que les paroles». Cest lambition de ce roman qui fait vibrer lune après lautre les harmoniques de la condition humaine.
Olivier Philipponnat ( Mis en ligne le 17/06/2013 ) Imprimer
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