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La fascination du gouffre
Pascal Bruckner   La Maison des anges
Le Livre de Poche 2014 /  6,90 € - 45.2 ffr. / 315 pages
ISBN : 978-2-246-80026-2
FORMAT : 11,0 cm × 17,8 cm

Première publication en janvier 2013 (Grasset)
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Antonin Dampierre, agent immobilier, célibataire, la trentaine, paraît bien installé dans sa vie. Certes le roman commence par une scène étrange où le héros jeune, perdu dans la forêt autrichienne, trouve refuge dans une maison isolée et vit une aventure terrible avec une vieillarde ; cependant, quelques pages plus loin, il semble s’en être remis, comme il s’est remis de la mort de ses parents. Il organise sa vie, une vie parfaitement aseptisée, passe ses dimanches à nettoyer son appartement de façon obsessionnelle. Peu de choses paraissent l’ébranler… mais, lorsque deux clochards/SDF se battant au pied d’un immeuble de luxe lui font rater une vente importante, Antonin Dampierre perd toute mesure et décide de se faire le justicier d’une société déboussolée.

Il se sent désormais investi d’une mission : purifier Paris de ses excréments, cette humanité déshumanisée que sont les clochards. L’objectif est plus facile à définir qu’à réaliser et Pascal Bruckner entraîne héros et lecteurs dans une lente descente aux enfers du Paris sombre des ultras pauvres. Loin du politiquement correct, il décrit un univers grouillant de miséreux, mais aussi peuplé d'individus avides de leur venir en aide pour des raisons douteuses. Une société peu et trop visible à la fois, qui grouille et vit des miettes des autres, de ceux qui vivent en plein jour, des riches dans la ville, des heureux de ce monde. L’exploration des bas-fonds par Pascal Bruckner rappelle le Paris insolite de Jean Paul Clébert (première édition 1952, régulièrement réédité) qui, lui, s’était immergé dans le milieu de «la cloche» pendant plusieurs mois et en avait ramené un poignant documentaire. Pascal Bruckner a choisi le genre du policier : les SDF sont mystérieusement étranglés, Antonin est doublé dans sa tentative maladroite d’extermination de ce qu’il considère comme la lie du genre humain.

Avec lui, on parcourt les différentes strates de la vie parisienne : le milieu des gens aisés et très aisés au début du roman, puis celui des organisations humanitaires avec la «Maison des Anges», abri pour SDF ouvert par l’étonnante Isolde de Hauteluce, belle aristocrate intrépide, «Madones des Égarés, «Notre Dame des Affligés» : «Isolde de Hauteluce était assoiffée de malheur comme d’autres d’or : elle aimait moins les misérables que la misère. Sa bonté cannibale cherchait partout des êtres en perdition pour les sauver. Elle citait sans cesse Mère Teresa : «Les pauvres sont joyeux, les pauvres sont nos maîtres»». Lucide sur ses motivations, Isolde confie à Antonin : «Ce n’est pas l’indigent qui a besoin du bienfaiteur, c’est le contraire. La détresse du premier rassure le second. Les SDF ont raison de nous mépriser : nous pullulons comme des mouches sur leur désastre. (…) Nous sommes des fourvoyés qui aidons des naufragés. Ils sont dans la fosse, nous nous tenons au bord du gouffre, nous y tomberons bientôt». Après cette étape comme collaborateur d’Isolde, Antonin ira plus loin dans sa dégringolade…

Dans un bref épilogue, Pascal Bruckner évoque un souvenir personnel de sa jeunesse : l’altercation violente qui avait opposé un de ses amis étudiant, «maoïste intransigeant», et un clochard, place de la Contrescarpe, que le premier avait traité de «valet du capital, traître à la classe ouvrière». Et le romancier de conclure : «Deux choses me sont restées de cet épisode : la fragilité du quémandeur qui s’est effondré comme fétu de paille, l’argument ébouriffant utilisé par son agresseur, celui d’être un complice de la bourgeoisie. Avec le clochard, la compassion n’est jamais loin de la violence, la charité de la haine. (…) il incarne la fascination du gouffre».

C’est cette fascination du gouffre (déjà explorée, dit-il, dans un roman sur l’Inde, Parias, écrit en 1985) que Pascal Bruckner met en scène, jouant de la provocation, choquant les «bons sentiments», allant au-delà des faits pour décrypter les intentions profondes, la peur qui anime les bien-pensants et dont jouent les misérables…


Marie-Paule Caire
( Mis en ligne le 08/12/2014 )
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