| Joyce Maynard Une adolescence américaine - Chronique des années 60 10/18 2015 / 7,50 € - 49.13 ffr. / 260 pages ISBN : 978-2-264-06223-9 FORMAT : 11,0 cm × 17,8 cm
Première publication française en avril 2013 (Éditions Philippe Rey)
Simone Arous (Traducteur) Imprimer
Remarquée en 1972 par un article publié au culot dans le New York Times et portant sur sa génération, Joyce Maynard se lançait dans la foulée dans deux aventures. Lune est sentimentale, avec le très mystérieux J. D. Salinger, lauteur de LAttrape cur, qui lui servira tout à la fois damant, de cicérone, de pygmalion avant de la renvoyer rudement à la vraie vie. Lautre est littéraire : cest la rédaction dun roman/essai sur son adolescence, regard autobiographique dune jeune femme de 19 ans !
Vu comme cela, on peut douter de la profondeur du texte
Égrenant les années au fil de chapitres, Joyce Maynard évoque sa jeunesse dans le New Hampshire, ses émotions scolaires, littéraires, sentimentales, ses rapports avec son entourage, ses amies, les modes (ou du moins celles qui lui parviennent), les médias (et la fameuse télé, désormais bien ringarde), sa ville, ses mythes (la Belle vie, la virginité, le féminisme, la communication
), etc. Elle dépeint une société disparue, celle dune petite ville américaine des années 60 ou dune communauté universitaire (rapidement fréquentée : un an à Yale !). Une société calme, ordonnée, qui observe de loin la conquête de la Lune ou la guerre au Vietnam, une société qui laisse encore nombre dAméricains nostalgiques sur «le bon temps», matérialisé par quelques séries. Cest ce texte, guidé par Salinger mais écrit par une jeune fille à la plume solide, qui est réédité ici.
Un joli texte donc, qui explore les paysages culturels dune jeune fille et se veut du moins fut-il ainsi vendu le reflet dune génération et de ses prétentions à la liberté, au plaisir, au débat. Le roman fut toutefois très discuté, débattu, et lauteur reçut un ample courrier de ci-devant «jeunes» qui la trouvaient finalement pas si représentative et plutôt sage.
Cest certes lécueil traditionnel de ce genre douvrages qui prétendent, en quatrième de couverture, être «le livre dune génération» ; mais-au delà de ce débat, la prose de Joyce Maynard reste agréable. Si cette réédition a un mérite, cest donc moins dans ces impressions forcément un peu scolaires, un peu récitées, avec ce degré de profondeur quon attend dune adolescente un peu mûre que dans le long texte de présentation qui les accompagne. Le regard de Joyce Maynard aujourd'hui sur Joyce Maynard en 1973 est autrement plus réjouissant, en ce quil est décanté, et que lauteur nhésite plus à souligner les manques, les limites et les candeurs de son premier ouvrage. Elle en livre, discrètement, les coulisses (avec un Salinger plutôt odieux et tyrannique, sous des dehors paternalistes), les non-dits, et livre en fait un épilogue bienvenu.
Tel quel, louvrage intéressera les amateurs de récits de vie : il plairait sans doute à une adolescente daujourdhui, qui aurait envie de se plonger dans un quotidien singulier, il séduira sans doute des lecteurs de la dite génération, qui retrouveront peut-être dans la prose de lauteur un parfum de jeunesse, et plus largement, il plaira à tous ceux qui cherchent, à travers ces mots, un parfum dAmérique, dune Amérique qui nexiste plus désormais que dans les vieux sitcoms...
Gilles Ferragu ( Mis en ligne le 22/05/2015 ) Imprimer
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