| Sophie Daull Camille, Mon envolée Le Livre de Poche 2016 / 6,60 € - 43.23 ffr. / 192 pages ISBN : 978-2-253-06874-7 FORMAT : 11,0 cm × 17,7 cm
Première publication en août 2015 (Philippe Rey) Imprimer
En exergue, un proverbe chinois : «Tu ne peux pas empêcher les oiseaux de la tristesse de voler au-dessus de ta tête, mais tu peux les empêcher de faire leur nid dans tes cheveux». La première phrase : «Haute-Marne-jeudi 9 janvier 2014. Tu es enterrée depuis une semaine exactement».
Sophie Daull, actrice de théâtre, raconte de façon poignante la mort de sa fille Camille, seize ans, le lundi 23 décembre 2013. Un mal de tête persistant, des médecins qui ne veulent pas se déplacer, diagnostiquent au téléphone une grippe, ordonnent du Doliprane, et reprennent le même discours aux urgences où les parents inquiets ont emmené Camille. La fièvre monte, Camille meurt, et ses parents sessaient à survivre. Lautopsie révèlera que Camille est morte dune septicémie, infarctus rénal, infection généralisée, elle aurait peut-être pu être sauvée par un diagnostic juste et précoce
Si
Pas de «nid dans les cheveux» ; pourtant dans ce beau récit, pas de volonté de revanche contre un corps médical qui a montré son incompétence, puis son impuissance, pas damertume aigre contre ceux dont la vie continue. Sophie Daull écrit pour faire face, pour maintenir Camille, pour se tenir droite. Deux typographies : les quatre jours terribles et ceux qui suivent immédiatement, puis le récit qui commence le 9 janvier, la vie sans elle/avec elle. Les deux moments alternent, dans ce texte qui est une longue lettre à sa fille.
Avec une grande économie de moyens, sans pathos, Sophie Daull dit la douleur au quotidien : «Une autre chose : nous navons pas de nom. Nous ne sommes ni veufs ni orphelins. Il nexiste pas de chose pour désigner celui ou celle qui a perdu son enfant. (
) Un papa répond sur un forum : «Si, jai un nom : je suis un mort vivant»». Elle dit les «mauvaises pensées» qui assaillent lesprit en permanence, les souvenirs qui affleurent à chaque instant. Elle dit le quotidien, les démarches indispensables, les réactions des proches et des plus lointains.
Elle écrit pendant quatre mois, les quatre mois qui sécoulent depuis la mort de Camille, le vide immense, et à côté la vie qui continue, ces heures et ces jours livides qui marquent une frontière infranchissable entre lavant et laprès : «Dans les jours daprès sinstalle lAPRES. Sinistre pilotage automatique. Greffé sur lordinaire dans limpensable de ta non-vie».
Un beau texte, sur la douleur indicible de la perte, un texte sans effets de style qui va à lessentiel, un texte qui répond à une urgence : «Jai écrit cent cinquante pages de béquilles en me souvenant de ce que tu aimais de moi. (
) je suis sous laile de ta non-vie, à son ombre, à son soleil (
)».
Marie-Paule Caire ( Mis en ligne le 17/10/2016 ) Imprimer | | |