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Un enfant dangereux
Dominique Jamet   Un traître
J'ai lu 2011 /  7.60 € - 49.78 ffr. / 318 pages
ISBN : 978-2-290-01771-5
FORMAT : 11cm x 18cm

Première publication en septembre 2008 (Flammarion)
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Voici un pur roman historique, dans la lignée de ceux dont Dominique Jamet est coutumier. Il évoque avec Un traître une époque noire – que l'on sait éditorialement très porteuse, celle de l'Occupation. Or, si le thème trouve un vaste écho chez les lecteurs, il y a à cet avantage de principe un pendant moins encourageant : rabâchée, traitée sous tous les angles, que ce soit sur le mode du roman, du témoignage ou de l'essai de sciences sociales, la période est balisée par une pléthore d'ouvrages d'ailleurs plus ou moins intéressants. Dominique Jamet, en fin connaisseur des problématiques du livre, ne l'ignore pas. Aussi, son anti-héros, terme qu'il faut prendre dans toutes ses acceptions, ne figure-t-il au Panthéon d'aucun des deux camps que l'on a coutume de se représenter massés d'un côté et de l'autre d'une ligne de démarcation politique et nationale ; Jean Deleau est pour la plupart des Français d'aujourd'hui comme d'alors un parfait inconnu, qu'ils aient penché du côté de la Résistance, de la Collaboration, ou simplement observé un prudent silence.

C'est précisément ce qui intéresse l'auteur : ce jeune homme fadasse, dont la personne relativement insignifiante n'a jamais su attirer l'attention du grand public s'est rendu coupable «d'intelligence avec l'ennemi», comme le consacre la formule légale, avec un acharnement dénué de passion ; et cette application macabre lui a permis d'obtenir des résultats de nature à lui valoir une condamnation à mort par contumace, puis devant la Cour, vingt ans après, en 1965. Quels enseignements généraux peut-on en tirer quant à la nature humaine ? Quelle est la nature des motifs susceptibles de faire basculer le destin d'un individu ordinaire dans une spirale d'horreur ? Telles sont ces questions générales qui déterminent l'organisation et la rédaction du roman. Aussi, celui-ci s'ouvre par une phrase bizarrement étrangère à la narration : «l'histoire pourrait débuter ici».

Et le lecteur intrigué découvre le charmant tableau d'un fils aimant, d'une mère en proie à la tendresse la plus vive pour son unique enfant, un après-midi d'été sur une plage bourgeoise, tandis que le père amorce une digestion paisible. Cet adorable enfant, c'est Jean Deleau. Doué d'une sensibilité hors-norme, il se révèle capable de la plus grande charité, d'une piété filiale à toute épreuve, d'une moralité qui le maintient à vingt ans passés loin des tentations qui ne peuvent manquer de solliciter un jeune homme. Et ce même individu modèle met, quelques dizaines de mois plus tard, tout son zèle au service des autorités allemandes : ne se contentant pas du rôle de traducteur qui lui est dans un premier temps dévolu, il prend une part de plus en plus active dans la traque et la torture des résistants, allant jusqu'à utiliser les plus répugnantes des techniques de l'agent provocateur et fermant hermétiquement son cœur et son esprit à toute supplique, toute plainte, tout murmure moral.

D. Jamet raconte la lente évolution, les croisées de chemins fatales, celles qui ont vu les pas de Jean Deleau s'égarer toujours plus bas, vers des horizons toujours plus sombres, plus bruns. Si la grande thèse avancée par l'auteur est clairement de nature psychanalytique, il multiplie néanmoins les pistes, et ne tranche pas. C'est au lecteur de comprendre ce qui s'est passé et, sans doute, de se demander où était la limite à ne pas franchir – celle qu'il espérerait, lui lecteur, n'avoir jamais outrepassé ; bien sûr, l'exercice est factice ou plus exactement viscéralement lié à la fiction, mais c'est là la nature du roman.... Surtout, la focale placée sur une tranquille ville de l'Ouest accentue l'aspect ordinaire, quotidien de ce qui s'est passé durant quatre ans. La situation de Deleau est à la fois démentielle et absolument normale et c'est ce contraste qui est la matière véritable du roman.

Un autre aspect, plus subtil et plus littéraire, vient se superposer à celui-ci : le lecteur vit un mélange d'attachement-répulsion vis-à-vis du traître, et doit faire la part ce qui est lié à la forme, le roman (qui ne souhaite pas voir un personnage principal échapper à ses poursuivants ?) et la part de l'Histoire, et des responsabilités humaines véritables (qui souhaite qu'un collaborateur des nazis ne subisse pas la justice de ceux qu'il a opprimé en son temps ?).

L'exercice tenté par Dominique Jamet s'avère donc moins facile que prévu, moins évident aussi, et pour cette raison l'ouvrage n'est pas dénué d'intérêt, bien au contraire, en dépit, peut-être, d'une écriture assez journalistique, celle-ci autorisant par ailleurs une lecture rapide, aisée.


Aurore Lesage
( Mis en ligne le 26/01/2011 )
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