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Littérature -> Récits |
| Günter Grass D’une Allemagne à l’autre Seuil 2010 / 21 € - 137.55 ffr. / 281 pages ISBN : 978-2-02-101926-1 FORMAT : 14cm x 20,5cm
Traduction de Bernard Lortholary Imprimer
Avec Dune Allemagne à lautre, Günter Grass (né en 1927) ne parvient malheureusement pas à dépasser le genre du journal de bord et du coup néchappe ni au catalogue, ni au caractère purement anecdotique voire futile que suggère souvent ce type décrit chronologique. Le Seuil propose généralement aux écrivains célèbres de publier une année de leur Journal pour leur collection. Est-ce alors une commande que lon aurait faite à Günter Grass en 1990, année de la réunification allemande ?
Le sujet sy prêtait cependant. Que dit un grand écrivain, qui plus est allemand, sur la chute récente du mur et la réunification de son propre pays ? Il semble en tout cas que Grass ne pousse pas le débat sur un plan littéraire, cest-à-dire en faisant de la politique à la manière dun écrivain, puisque ses suggestions, ses analyses et ses descriptions des changements observés sont effectuées sur un ton bassement journalistique et répétitif. Une succession de faits plus ou moins essentiels est rapportée par lécrivain qui, se sentant directement concerné, traverse lAllemagne d'un bout à l'autre pour donner des conférences, des entretiens, participer à des congrès (avec Mitterrand, Willy Brandt, Helmut Kohl ou Václav Havel pour ne citer queux) mais aussi pour écrire son nouveau roman LAppel du crapaud ou encore visiter, tel un touriste étonné par ce bouleversement géopolitique, une ex-RDA qui va devoir se plier au système libéral.
Comme on le sait ou ne le sait pas, la vie dun écrivain a, en règle générale, très peu dintérêt (sauf chez quelques illuminés bien sûr). Lisez lénorme Journal de Julien Green, hormis ses considérations littéraires et psychologiques ainsi que quelques portraits décrivains (Cocteau, Gide ou Jacob), le détail de ses occupations ne méritait peut-être pas dêtre rapporté sur plusieurs tomes de papier bible. Souvent, ne vivant que de lectures et décriture, lécrivain se sent contraint de commenter lactualité faute de pouvoir réellement écrire sur son existence. Sensuivent alors des considérations journalistiques peu pertinentes qui nont dimportance que pour lhistorien et encore ; on surnage dans un catalogue dactualités qui nont souvent rien à faire dans un Journal décrivain. Cest un peu le cas dans cette chronique dune année. Grass dessine des croquis (qui sont insérés dans louvrage), prépare ses discours, se promène en forêt ou en ville, jardine, mange copieusement, lit le Spiegel et Les Versets sataniques, se déplace beaucoup, prend lavion, rencontre des ministres, parle de Ute, sa femme. Bref, même la transcription de ses multiples voyages en Europe (Gdansk, Prague, Oslo, Copenhague) pour quelques célébrations ou conférences manque cruellement de force littéraire. On a du mal à le suivre en fait, du mal à sentir la hauteur de lévénement.
En fait Grass est dabord préoccupé par lécriture de son propre roman (qui verra le jour en 1992), LAppel du crapaud, cest la façon dont il va le composer et le travailler qui lobnubile plus que lactualité socio-politique ! LAllemagne semble passer au second plan. En même temps, on le comprend, car que serait un écrivain qui ne serait pas concerné par son uvre, même en période de bouleversement idéologique ! Le destin de lécrivain ne passe-t-il pas avant celui de la nation ? Voici la question essentielle que Grass aurait dû se poser ! Mais en préparant parallèlement à ses voyages ce qui sera son nouveau roman, Grass passe à côté de son journal. Du coup cette uvre de diariste improvisé passe, elle aussi, au second plan.
Henri-Georges Maignan ( Mis en ligne le 03/12/2010 ) Imprimer
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