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Littérature -> Récits |
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Qu’est-ce qui fait marcher les hommes ? | | | Robert Walser La Promenade Gallimard - L'Imaginaire 2007 / 5 € - 32.75 ffr. / 116 pages ISBN : 2-07-078347-2 FORMAT : 12,5cm x 19,0cm Imprimer
Un tumulus noir sur limmensité immaculée : cest la dernière ombre de Robert Walser, que lon devine couché, face contre neige, mordant à belles dents ce jour de Noël 1956. Qui a vu cet ultime cliché photographique de lauteur de LInstitut Benjaminta comprend mieux limpressionnante solitude qui sourd de son uvre, aussi elliptique que troublante.
La Promenade, rédigé en 1917, ne déroge pas à ce sentiment et constitue lune de ces prémonitions littéraires comme on en rencontre parfois chez les écrivains qui font corps avec leur création. Elle témoigne de ce désir total déchapper, de ségarer, qui aiguillonna en permanence Walser dont il nest pas inutile de rappeler ici quil passa le dernier tiers de son existence en internement clinique.
Ce court récit est pour ainsi dire inclassable. Transcendant les genres, il relève tour à tour de la nouvelle et du poème en prose, du monologue intérieur et de la parodie, de la caricature et du chant damour. Ce serait un fragment de temps blanc et pur, tombé par bonheur entre nos mains. Le journal dune journée, vécue entre réel et impalpable. La métonymie de tout un destin. À quoi bon prétendre alors lenfermer dans une nomenclature stricte, quand il sagit en fait demboîter le pas de Walser, dépouser sa démarche au lieu de lobstaculer de commentaires ?
Dailleurs, Walser explique très simplement le mouvement qui lanime, au moment de justifier sa position sociale à un contrôleur des impôts médusé : «La promenade mest indispensable pour me donner de la vivacité et maintenir mes liens avec le monde, sans lexpérience sensible duquel je ne pourrais écrire la moitié de la première lettre dune ligne [
] Sans la promenade, je serais mort et aurais été contraint depuis longtemps dabandonner mon métier, que jaime passionnément. Sans promenade et collecte de faits, je serais incapable décrire le moindre compte rendu, ni davantage un article, sans parler décrire une nouvelle. Sans promenade, je ne pourrais recueillir ni études, ni observations. Un homme aussi subtil et éclairé que vous comprendra cela immédiatement.»
La déambulation de Walser nest pas vraiment celle du «Wanderer» de certaine peinture romantique allemande, généralement terminée en apothéose devant un majestueux panorama. Elle sapparente plutôt à celle du chat qui, sentant sa fin proche, tourne le dos aux siens et au monde, pour trouver le point le plus reculé de lui-même et sy étendre.
Frédéric Saenen ( Mis en ligne le 21/03/2007 ) Imprimer | | |
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