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Un beau classique de la SF | | | Alfred Bester L'Homme démoli Gallimard - Folio SF 2011 / 6,80 € - 44.54 ffr. / 308 pages ISBN : 978-2-07-044354-3 FORMAT : 11,4cm x 17,8cm
Patrick Marcel (Traducteur) Imprimer
La Terre au XXXIVe siècle
Dans une société futuriste, un homme décide den assassiner un autre
Jusque-là, rien de transcendant : il sagit du canevas classique du roman policier dans un environnement futur, avec, cerise sur le gâteau, le point de vue du meurtrier
Oui mais ça se complique un tantinet si lon sait que dans cette société future, il existe une minorité dhommes et de femmes, les extrapers des télépathes capables de fouiller votre conscient / subconscient / inconscient à la recherche de la moindre parcelle dinformation. Et que lun des plus doués de ces extrapers est Lincoln Powell, le chef de la police
Question : comment élaborer, mettre en uvre et réaliser dans ces conditions le crime parfait ? Car de fait, dans cette société de lavenir, le crime a disparu depuis 70 ans et la moindre pulsion criminelle est détectée. Mais du fait dun différend commercial un peu rude, Ben Reich, un financier habile, un rien pervers, décide de mette en uvre lassassinat de son concurrent direct DCoutney, autant par jeu que par colère. Un duel sengage.
En soi, lintrigue de LHomme démoli d'Alfred Bester, est déjà bien intrigante (certes !). Mais à ny voir quun thriller futuriste, on la réduirait à quelque chose de basique
Car Bester sest amusé, dans ce roman touffu, à construire et dépeindre cette société nouvelle, où cohabitent télépathes, regroupés en une guilde, et humains normaux, une société où lhomme de la rue nest plus laboutissement de lévolution, mais seulement une étape, et pas la dernière
Parmi les séquences les plus réussies, celles qui tentent de retranscrire la vie même des télépathes et leurs échanges télépathiques (à partir de calligrammes) sont assez inventives. Partant dun postulat simple (la société sans crime, un peu comme le Minority report de Philip K. Dick) et dun groupe original au sein de lhumanité (les mutants), Bester brode non pas une, mais des histoires autour du duel Reich/Powell, duel entre deux intellects bien différents ainsi quentre deux systèmes de valeurs conflictuels (le libéralisme absolu de Reich soppose à légalitarisme idéalisé de Powell). Avec, en toile de fond, les tensions sociales générées par ces télépathes (qui, loin dêtre de gentils mutants, sont également pour certains ouvertement racistes envers les humains normaux, et favorables à un programme eugéniste).
Ce roman, qui a reçu cest un signe le premier prix Hugo en 1953, est une belle variation sur le thème des télépathes, une vision plus mûre, plus adulte quA la poursuite des slans de van Vogt, en ce que lauteur pose des questions «de sociétés» et sait se frotter à la logique (ou aux conséquences) de ses postulats de départ. Pour les amateurs de SF, cest une valeur sûre, dans un style classique, sobre, parfois un peu daté : celui de lâge dor en somme, avec une intrigue réussie.
Gilles Ferragu ( Mis en ligne le 16/12/2011 ) Imprimer | | |