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Relire Dick
Philip K. Dick   La Trilogie divine
Denoël - Lunes d'encre 2013 /  29 € - 189.95 ffr. / 850 pages
ISBN : 978-2-207-11096-6
FORMAT : 14,0 cm × 20,5 cm

Robert Louit, Alain Dorémieux, Gilles Goullet (Traducteurs)

Etienne Barillier (Postfacier)

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Un jour de 1974, Horselover Fat a vécu une épiphanie, c’est-à-dire une manifestation divine, sous la forme d’un rai de lumière rose, un premier contact avec une entité et une réalité qui le dépassent, mais auxquelles il tente, désespérément, de donner un sens et une image. Au passage, il découvre que d’autres ont vécu la même expérience, à commencer par Mother Goose, qui l’a traduite dans un film et un acronyme, SIVA. A mi-chemin de l’expérience religieuse et de l’exploration psychologique, Dick livre, dans son Tractatus Cryptica Scriptura un résumé des vérités transmises par SIVA. Vous êtes perdus : c’est normal…

Horselover, c’est Philip K. Dick, mais un autre Dick, un alter ego subtilement différent : le projet, ici, c’est d’introduire une distance entre l’auteur de SF et le Philip K. Dick qui a vécu cette expérience, afin de l’observer. Une mise en abîme réussie mais esthétiquement singulière. Ce thème de la rencontre, brutale, avec une entité divine, est un classique, mais Dick le décline en plusieurs romans. Avec L’Invasion divine, on retrouve un décor SF plus conventionnel (planète lointaine, avenir lointain) mais l’intrigue revisite, sous un autre angle, la question posée dans SIVA. Quant à La Transmigration de Timothy Archer, elle ramène le lecteur dans la Californie contemporaine, mais cette fois dans un décor plus cadré, celui du christianisme – et d’un homme d’Eglise, l’évêque Archer - confronté à l’illumination (et en quête de réponses).

Composée de trois romans donc, La Trilogie divine est la traduction, romancée, d’une illumination spirituelle. En 1974, Philip K. Dick, auteur déjà réputé de SF, vivait une expérience mystique qui emplirait le reste de son existence. Développée dans un journal intime – L’Exégèse – récemment publié aux États-Unis, cette expérience a également inspiré à l’écrivain quelques-uns des textes les plus ambitieux d’une œuvre riche et féconde. Des textes ambitieux mais, disons le d’emblée, d’un abord parfois déconcertant : ici, le roman s’efface par endroit au profit de l’autobiographie, disparaît sous l’épaisseur des digressions, ploie sous les considérations mystiques et ésotériques. Pour résumer, c’est un écrivain qui tente, avec un talent manifeste, de mettre des mots sur une illumination spirituelle. Le processus n’est pas seulement littéraire mais également cathartique : Dick écrit pour dépasser cette expérience et l’assimiler. On est donc à la frontière de la SF et d’autre chose, dans des terrains mouvants, surprenants.

Dick a ses fans, amateurs d’une SF qui ne se limite pas aux canons du genre, mais, au contraire, joue avec le réel pour en déformer la trame et en donner une version fantastique. Horselover Fat, son double dans SIVA, illustre ce dédoublement du réel, et propose de la réalité une version schizophrène, étonnante. On baigne alors dans les dernières vagues de la contre-culture : certes, les hippies ont grandi et se sont rangés, l’Amérique vit alors au rythme des attentats du Weather Underground et, à l’université de Berkeley, de jeunes universitaires élaborent une pensée qui deviendra le néo-conservatisme… Mais certains thèmes de la contre-culture persistent, telle l’idée que la conscience peut être développée, élargie, qu’elle doit s’épanouir au-delà de l’enveloppe humaine, trop restreinte. Dick est le produit de cette révolution culturelle à l’américaine, il a connu la Californie des hippies, les trips, la drogue et c’est cette ultime vague qui en 1974 aboutit notamment à cette Trilogie divine. Pour avoir tutoyé la folie, l’illumination, le surréel, Dick a produit un texte singulier, qui mêle récit, autobiographie, réflexion, anecdote, et qui fait date dans l’écriture littéraire comme dans la SF.

Après la réédition bienvenue de Radio libre Albemuth, la collection «Lunes d’encres» (Denoël) offre aux amateurs de Dick un volume indispensable, nanti d’une postface éclairante d’Etienne Barillier. Il faut donc se féliciter de cette nouvelle traduction, et de cette édition conjointe, même si le lien entre les trois romans peut sembler ténu et la trilogie, disparate. Après l’intégrale des nouvelles – qu’il serait sans doute bon de rééditer -, ce nouvel opus dickien témoigne une fois de plus de l’importance de cet auteur et de ce tournant qu’il a imprimé à une SF qui aurait pu encore ronronner. Plus qu’une expérience littéraire, une œuvre, au sens artistique du terme, avec ses limites et ses excès, mais, en tous les cas, une lecture marquante.


Gilles Ferragu
( Mis en ligne le 10/04/2013 )
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