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Littérature -> Policier & suspense |
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Portrait de l’universitaire en romancier | | | Tony Gheeraert La Dame noire (volume 2) - Le Trésor des Stuart Les Editions du Polar 2008 / 19 € - 124.45 ffr. / 289 pages ISBN : 978-2-35568-026-7
Voir aussi :
- La Dame noire (volume 1), Les Enfants de Saturne, 289 p. Imprimer
Dans le contexte de la volonté actuelle de classification des publications des enseignants-chercheurs, que va-t-on faire de ce roman ? Sera-t-il classé comme de rang A par lAERES ? de rang B par le CNRS ? de rang C par lERIE ? Son auteur sera-t-il reconnu comme «publiant» ? Car certains maîtres de conférences en littérature française du XVIIe siècle entre un essai sur la poésie janséniste et une édition critique de texte ancien trouvent même le temps décrire des romans policiers ! Bien sûr, on ne sextirpe pas si aisément de ce que lon connaît et de ce quon aime et, ainsi, lhistoire du XVIIe siècle baigne agréablement ce premier roman de Tony Gheeraert, maître de conférences en littérature française de luniversité de Rouen.
Arnaud Rudel est doctorant en histoire de luniversité de Paris-Sorbonne depuis près de cinq ans et passe pour le pire élève de son directeur de thèse, Jean Lavoix. Ce dernier le prévient que sil ne remet pas deux cents pages rédigées dans quelques mois, le conseil scientifique risque de refuser sa réinscription. Seconde nouvelle, plus inattendue encore : le professeur Joan Hunter, quArnaud avait à peine rencontrée quelques mois auparavant, lui annonce quil est récipiendaire de la bourse Backwater lui permettant de passer une année entière à Cambridge. Il atterrit ainsi dans un collège de la prestigieuse université britannique, véritablement submergé par sa propre histoire, où les événements de la Révolution anglaise de 1649 semblent encore marquer les esprits, particulièrement à travers la figure de Charity Cary, épouse Backwater. Selon la geste locale, cette dernière, issue dune famille puritaine, aurait assassiné son lord de mari, quelle trouvait trop monarchiste à son goût.
La meilleure amie dArnaud, Véronique Leblanc [des illets des Astrées], brillante chercheuse, est déjà maître de conférences et est aussi décidée et énergique quArnaud est gaffeur et maladroit. Elle est aussi du voyage pour des raisons qui ne semblent à première vue pas évidentes au pauvre Arnaud, dépassé par les événements. Dautant que ce dernier souffre dagraphie depuis un choc sentimental : il est incapable décrire la moindre ligne de sa thèse ou de la communication exigée par le collège de Cambridge. Et ce nest pas létrange ambiance de la maison où il loge qui le rassure. Les événements mystérieux saccumulent dans latmosphère feutrée du vieux collège anglais, où tout le monde se connaît et où haine et jalousie voisinent souvent avec la confraternité ; mais ils changent de dimension quand une professeur du collège est retrouvé assassinée. Dautant que linspecteur-chef Miller ne semble pas goûter les explications dArnaud, allant jusquà le soupçonner davoir une part aux mystérieux événements.
Tout étudiant en lettres ou en histoire sourira bien souvent aux petites notations ironiques ou tellement vraisemblables sur la vie de doctorant ou les étranges murs académiques. Le duo de personnages principaux, lui aussi particulièrement réussi, fait souvent sourire tant le contraste entre eux et lamitié qui les lie est agréable tandis que le rythme est enlevé et que lauteur parvient à mener son lecteur sur diverses (fausses) pistes afin de toujours nourrir le suspense de rebondissements en événements imprévus. Le jeu avec le lecteur passe également par de très nombreuses références à la littérature antérieure, jusquau célèbre «Remember !» prononcé sur léchafaud par le roi Charles avant de rendre lâme, qui joue un rôle prédominant dans les Trois mousquetaires de Dumas et auquel Tony Gheeraert donne une nouvelle signification.
À cela sajoute la dimension historique du récit. Si Tony Gheeraert ne cherche nullement à écrire un roman historique, il se fonde pourtant sur une solide connaissance de la période de la Révolution anglaise : la distinction entre éléments réels et imagination est explicitée en fin douvrage, sous la forme dun prétendu post-scriptum de léditeur ; et lon peut faire confiance à lauteur, dont la propre épouse est lauteur dune thèse sur les femmes pendant la Révolution anglaise.
Ce roman qui ne se prend pas au sérieux est donc une heureuse surprise. Pas un chef duvre immortel bien sûr mais un livre qui sait reprendre les cadres de plusieurs genres le roman policier et le roman historique en jouer, y mêler des notations érudites et des touches dhumour. Il mêle une trame compliquée capable de maintenir le suspense pendant près de 500 pages, et des personnages qui attirent la sympathie du lecteur. Une agréable lecture de vacances.
Rémi Mathis ( Mis en ligne le 11/02/2009 ) Imprimer
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