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| Pierre-Robert Leclercq Le Libraire de la rue Poliveau Les Belles Lettres 2005 / 14 € - 91.7 ffr. / 217 pages ISBN : 2-251-44293-6 FORMAT : 13,5x20,5 cm Imprimer
Si certaines personnes sont capables dêtre des touche-à-tout sans être des dilettantes, cest parmi eux quil convient de classer Pierre-Robert Leclercq, prolifique auteur de poèmes, de théâtre, de douze romans mais également de pamphlets, dessais sur Bernanos ou de biographies sans compter son activité de journaliste.
Dans le quartier du Jardin des plantes, à Paris, un écrivain, Léon Verjus, qui signe du pseudonyme de Charles-Claude Bergerac, se promène. Dans le même quartier, une dame entre par hasard chez un libraire ancien, Sébastien Neckentem : ils nont rien en commun sinon dêtre originaires du même petit village. Lécrivain semble sintéresser de très près au libraire, il rapporte régulièrement les informations glanées çà et là sur lui à un nommé Gérard Dechavange. Or Neckentem paraît avoir eu une vie aventureuse, au contraire de sa nouvelle amie, Antoinette, qui a toujours vécu entre son mari et la cuisine.
Ce roman est de ceux quil faut lire en prenant des notes afin de comprendre sa structure, dappréhender son plan. Car cest dans sa construction en abyme que réside sa grande originalité. Plusieurs histoires se mêlent, sentrecroisent et senchevêtrent sans que le lecteur ne comprenne dabord quels rapports elles entretiennent entre elles. Ce nest que peu à peu que lon saisit les liens qui existent et se tendent entre les divers personnages : Leclercq perd dabord son lecteur pour mieux lui donner le plaisir de retrouver sa route.
Lécriture des chapitres répond à cette multiplicité des points de vue : ces derniers peuvent se présenter comme le monologue dun des personnages, comme une conversation entre Bergerac et son éditeur ou comme le contenu des mystérieuses enveloppes que Sébastien Neckentem remet à Mique. Ce multivocalisme entraîne dès lors une multiplication des styles, fort différents selon quils sont censés correspondre à la discussion dAntoinette, à la neutralité dun narrateur ordinaire ou à la relation par Neckentem de ses aventures. Ces styles distincts concourent à complexifier encore la structure du récit.
Mais le livre se présente aussi comme une recherche, une enquête policière sur les personnages du livre. Charles-Claude Bergerac, nest pas maître de ses propres personnages : il doit se renseigner sur eux, les découvrir, faire leur connaissance ; ce nest que petit à petit quil comprend qui sont les marionnettes quil utilise. Un livre napparaît jamais tout fait à son auteur mais est l'enfant de la réflexion et de la recherche. Il est aussi lobjet de négociations avec léditeur, empêcheur décrire en rond mais finalement aussi à la source du renouvellement ambigu de lauteur.
Si la construction du roman est dune réjouissante complexité, les personnages ne cherchent pas à être dune grande originalité : ils revisitent des types habituels, celui du vieux libraire à la fois misanthrope et humaniste ou celui de la vieille dame sans culture mais curieuse et sympathique. Ils sont pourtant attachants et l'on suit avec un grand plaisir de lecture les aventures rocambolesques de Sébastien Neckentem en Amérique du Sud où il retrouve danciens nazis et part à la recherche du trésor de Pizarro et en URSS où il tente de retrouver son ancien professeur. Les péripéties sont rapportées de manière linéaire, avec une volonté manifeste que le lecteur se sente dans un roman. On se trouve dans un livre daventure, un récit picaresque qui abandonne le souci de faire vrai.
Dune lecture facile et agréable, dune inventivité et dune fantaisie dignes dun Georges Picard, ce Libraire
livre aussi une réflexion sur le métier décrivain et sur le roman, un «roman du roman qui sécrit». Lauteur sait perdre son lecteur, lemmener dans les dédales dune intrigue labyrinthique, le promener dun niveau de lecture à un autre pour mieux le retrouver. Il a même su entraîner jusquau 45 de la rue Poliveau lauteur de ces lignes, qui voulait savoir si lon y trouverait une librairie ancienne, le domicile de Charles-Léon Bergerac !
Rémi Mathis ( Mis en ligne le 16/09/2005 ) Imprimer | | |
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