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| Laura Restrepo Délire Calmann-Lévy 2005 / 20.80 € - 136.24 ffr. / 340 pages ISBN : 2-7021-3608-7 FORMAT : 14x21 cm
Traduction de l'espagnol : Françoise Prébois. Imprimer
En février 2004, Délire obtint le prix du roman Alfaguara. A cette occasion, José Saramago, qui présidait le jury, déclara : «Quand lécriture atteint le niveau où la porte Laura Restrepo, il faut tirer son chapeau. Dinnombrables lecteurs sapprêtent à ressentir le plaisir de lire lun des meilleurs romans écrits ces dernières années». Lenthousiasme dun tel juge suscite bien évidemment la curiosité, et force est de reconnaître que lassertion du grand romancier portugais nétait pas complaisante : Délire est un roman marquant, à la fois enthousiasmant et touchant.
Dans une Bogotá en proie à la violence, quatre récits parallèles sentremêlent et convergent pourtant progressivement, pour éclairer et résoudre lénigme dévoilée dès les premières pages : qua-t-il bien pu arriver à Agustina, beauté sublime, fragile et excentrique, au cours de ces cinq jours décisifs ? Après quAguilar, son mari, lavait quittée, elle avait entrepris de repeindre en vert mousse les murs de leur appartement. Le dimanche, il la retrouve dans la chambre dun hôtel de luxe en proie à la plus effroyable des folies. La voix dAguilar se mêle bientôt à celles de lenfant Agustina, de Midas McAlister, un de ses anciens amants, et à la narration de la vie de Nicolás Portulinus, le grand-père allemand, pour tenter de cerner et dapprivoiser linsondable gouffre de souffrance où sest enfermée lhéroïne.
Dans une Colombie minée et déchirée par la rigidité des barrières sociales, larrogance des élites corrompues, par la drogue et lomniprésence de la violence, lamour du professeur Aguilar pour sa femme, son dévouement et, pour tout dire, lhumanité profonde qui émane de son être, nen sont que plus éclatants. Attentif et passionné, prêt à tous les sacrifices pour sauver Agustina, pour léloigner de ses chimères et la ramener dans le monde des conscients, il sengage avec ferveur dans une lutte inégale contre la folie. Amoureux et fidèle en dépit de tout, il ne cesse tout au long de louvrage de clamer son amour : amo quia absurdum !
La beauté de ce roman polyphonique est proprement stupéfiante et - chose rare - ne semble pas avoir souffert de larrachement à lidiome originel. Ecrit en espagnol, Délire demeure en français un grand roman, un magnifique roman. Les non hispanophones peuvent désormais le découvrir, et lon souhaite quils soient nombreux à venir grossir le flot des innombrables lecteurs quentrevoyait José Saramago. Dans un paysage littéraire un peu terne, à lheure où la posture médiatique prend trop souvent le pas sur le talent, Délire est une chance quil faut savoir saisir.
Raphaël Muller ( Mis en ligne le 16/09/2005 ) Imprimer | | |
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