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Promesses tenues
Marco Lodoli   Les Promesses - Sorella - Italia - Vapore
P.O.L 2013 /  22 € - 144.1 ffr. / 344 pages
ISBN : 978-2-8180-1711-1
FORMAT : 15,5 cm × 20,5 cm

Louise Boudonnat (Traducteur)
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Les Promesses de Marco Lodoli, ce sont trois romans, Sorella, Italia et Vapore, ce sont trois promesses de vie dans trois existences de femmes très différentes, trois femmes puissantes, si l’on peut dire.

Tout d’abord, il y a Sorella, c’est-à-dire sœur en italien. C’est le récit tenu par une religieuse prénommée Amaranta. Elle est entrée dans un couvent pour y trouver un sens à sa vie parce qu’«une heure [lui] avait suffi pour comprendre qu’[elle] n’était pas faite pour la société et que l’unique voie de salut était celle de la pureté». Mais elle reste agitée, traversée d’incessants tracas, trop perméable à ce qui l’entoure. «Je sens frémir le vide en moi, une faim qui ne passe pas et se fait malveillante». Être au couvent n’est finalement qu’une manière d’être sans cesse mise à l’épreuve. Ainsi, sa mère supérieure lui confie un groupe d’enfants de maternelle. Terrible voire insurmontable épreuve pour Amaranta, les enfants représentent un chaos primitif, indomptable : «Les enfants sont des désirs à l’état sauvage, jamais rassasiés, qui s’opposent à tout ce qui se dresse sur leur chemin. Ils allongent les bras, prennent, arrachent, ignorent le pardon. Leur loi n’est pas l’amour, leur loi est la prédation».

Mais la mère supérieure n’a-t-elle pas deviné Amaranta ? L’épreuve qu’elle lui soumet ne correspond-elle pas, si elle la surmonte, à l’obtention de cette grâce, de ce sens de l’existence qu’elle cherche tant ? Au milieu de tous les enfants braillards qu’Amaranta désespère de maîtriser, il y a Lucas, un enfant silencieux qui ne lui parle qu’à trois reprises. Il dit à Amaranta trois mots qui sont comme trois missions… A l’issue de la troisième, Amaranta dit : «Et puis tout cela je l’ai senti s’incliner en moi, le ciel constellé exploser en moi, une joie abyssale s’est pressée en moi, m’ouvrant toute grande, et je n’avais plus d’horizons, je n’avais plus de nom, j’avais basculé au-delà de moi-même, je pleurais sans raison, j’étais sur un rivage de l’océan et sur celui d’en face».

Le titre du deuxième roman, Italia, c’est le prénom de la jeune narratrice, une jeune femme qui sort d’un genre d’Institut Benjamenta dont la vocation est de former des bonnes. On attribue à Italia une famille romaine qu’elle va servir pendant une trentaine d’années. Pendant une trentaine d’années, Italia, c’est la promesse d’un service irréprochable chez les Marziali, c’est aussi la chronique de cette famille qu’elle nous tient minutieusement. Il y a le père, ingénieur strict et ordonné, ancien fasciste, il y a la mère soucieuse qui promène son oisiveté dans des occupations qui lui restent étrangères. Il y a les enfants : le futur poète Giovanni, le futur fasciste Tancredi et l’aînée Marianna, future et perpétuelle amoureuse. Italia participe de la vie de chacun. Elle est l’aide silencieuse de la mère, son soutien moral parfois, elle accompagne, elle soutient le poète, elle stoppe un élan fougueux du fasciste en lui faisant comprendre son erreur. Bref, elle a tenu sa promesse de fidélité absolue et, sa mission accomplie, elle pourra retourner à son mystérieux Institut, sa seule famille avec celle qu’elle aura servie et avant la prochaine.

Enfin, le dernier roman, Vapore, la dernière promesse, peut-être la plus belle, c’est celle qui est liée à Vapore, le surnom d’Augusto, le mari de Maria Salviati. Maria, ancienne professeure de sciences, est maintenant vieille, elle est veuve. Au fil des rencontres avec un agent immobilier prénommé Gabriele, chargé de vendre son ancienne bâtisse perdue, elle lui raconte toute sa vie : la rencontre avec Vapore, illusionniste, poète, fantasque, libre, ne tenant pas en place. Pour lui, «les pensées encombrent, elles ne servent à rien, elles s’ajustent mal et puis elles se détachent, en réalité chacun ne peut exprimer que ce qu’il est, on ne peut pas faire semblant d’être un autre […] Réfléchir signifie seulement se mentir à soi-même». Elle raconte à Gabriele leur vie commune, l’arrivée et l’éducation de Pietro, leur enfant qui, adolescent, devient un communiste très actif de plus en plus en porte-à-faux avec son père Augusto, trop rêveur, en marge de l’action politique. Les jours passent, la maison ne se vend pas, le récit de sa vie continue jusqu’à la chute finale, peut-être la promesse tenue d’une réconciliation avec son passé : «Sur la campagne à présent montait une légère brume, comme si la terre voulait s’élever vers le ciel, et les arbres, sans plus ni racines ni tronc, étaient simplement des nuages verts».

Parce que le style mélodique de Marco Lodoli participe de la douceur mélancolique de ces trois femmes-narratrices, parce que cela traite au fond de l’espoir, de la vie, de ses attentes, de ses désillusions, de sa cruauté et de sa beauté, ces trois romans ont quelque chose d’universel : la promesse que dans toute vie, fût-elle terrible, il y a un ange, une possibilité fugitive de bonheur ou de salut. Il y a Lucas pour Amaranta, Italia pour la famille Marziali, il y a Gabriele pour la vieille Maria. Ces trois romans puissants et subtils disent la fragilité de ces consciences tourmentées par l’absolu, ils suggèrent aussi, à travers ces trois parcours initiatiques, la dignité de toute existence. Comme le dit Italia : «En réalité, les êtres humains sont pareils en tous points, c’est toujours la même vie racontée sur un mode différent, et au final toutes les histoires se valent, car c’est une seule et même histoire, celle du temps qui s’enfuit».


Xavier Briend
( Mis en ligne le 04/10/2013 )
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