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| Littérature -> Rentrée Littéraire 2021 |
| Brice Matthieussent Identités françaises
Phébus 2017 / 19 € - 124.45 ffr. / 304 pages
ISBN : 978-2-7529-1120-9
FORMAT : 14,0 cm × 20,5 cm
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Deux personnages masculins, un misanthrope atrabilaire, Pataquès, venu de nulle part, et un transfuge de la célèbre bande dessinée, Ribouldingue, ici sans ses deux acolytes, Croquignol et Filochard, tués plus tôt. Ils sont réunis pour un cambriolage dans une grande pièce sombre avec des tableaux, peut-être un musée. En attendant de connaître la mission qui leur est attribuée, ils passent le temps en de longs dialogues, tantôt amicaux, tantôt tumultueux.
Pataquès vit en enfreignant la loi et ne se sépare jamais de sa boite à outils. Il souffre de litanie comparative, ce qui fatigue ses interlocuteurs. Il se plaint souvent car, sorti des limbes, il a perdu ses pieds, et voudrait les récupérer pour ne plus souffrir. En attendant les ordres, les deux compères remarquent un tableau qui évoque un peu leur situation : «Les énervés de Jumièges» d'Evariste Vital Luminais, dans lequel deux fils de Clovis se sont révoltés contre leur père alors qu’il était parti en pèlerinage. A son retour, le roi a rétabli sa légitimité sur le royaume et, comme condamnation, il leur a fait couper les nerfs des jambes. Il les a placés sur une sorte de radeau afin de les laisser dériver sur la Seine. Les voilà bien «énervés» : une variante de Pataquès qui cherche ses pieds.
Puis Pataquès sort un carnet de sa boite et lit. On retrouve nos deux personnages sur le chemin de Saint-Jacques de Compostelle, envoyés par un mystérieux commanditaire. S’agit-il vraiment d’eux ? Sûrement, mais ils ne gardent aucun souvenir de leur voyage. Le carnet révèlerait-il leur futur ? On alterne entre cette épopée contée par Pataquès et les réflexions échangées dans la grande salle aux tableaux. Deux histoires s’entrecroisent, se confondent par moments et déroutent complètement le lecteur. «Le temps de ce récit n’est pas le nôtre. Les horloges de deux récits ne sont pas synchronisées, les calendriers diffèrent. Ces photos que tu as sorties de ta caisse montrent ce qui n’a pas encore eu lieu. Ce sont des photos de l’avenir».
Pendant leur périple, ils sont les témoins d’un attentat dans l’auberge où ils se reposent : des hommes masqués et armés font feu sur les pèlerins qui écoutaient de la musique. A cette occasion, ils rencontrent un policier sympathique mais qui souffre de dédoublement de la personnalité, ainsi que des migrants. Surgit un baron espagnol sorti du film de Buñuel «La voie lactée».
On a parfois l’impression d’être dans une pièce de Ionesco ou de Beckett, en compagnie de ce duo improbable qui attend. L’auteur fait allusion aux drames récents, dénonce la menace permanente et emprunte la voie de l’absurde sous des allures déjantées. La mort est omniprésente dans les deux récits parallèles. Brice Matthieussent évoque les écrivains et les raconteurs d’histoire qui peuvent créer des situations, des personnages et les rendre très vivants, leur donner plusieurs chemins ; leur liberté est totale, ils sont les révélateurs du temps présent.
Eliane Mazerm
( Mis en ligne le 24/11/2017 )
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