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Beaux arts / Beaux livres |
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Une belle œuvre de mémoire rurale | | | Christophe Lefébure Les Outils et travaux de la ferme Flammarion - La Maison Rustique 2006 / 30 € - 196.5 ffr. / 159 pages ISBN : 2-08-240262-2 FORMAT : 22,0cm x 25,0cm
Préface d'Alain Baraton.
Lauteur du compte rendu : Rémi Luglia, professeur agrégé dHistoire et interrogateur en deuxième année dans une classe préparatoire commerciale, est doctorant à Sciences-Po Paris où il mène une recherche sur lhistoire de la protection de la nature en France de 1854 à nos jours à travers le mouvement associatif. Imprimer
Depuis la naissance de lagriculture il y a 10 000 ans, la vie de paysan est celle dun extrême labeur quotidien. Lente et rythmée par les saisons mais surtout par les travaux qui se succèdent sans cesse au fil du temps, elle déroule savoirs et pratiques dun bout à lautre de lannée. Dures réalités vécues mais aussi attachement profond à la terre, aux haies, aux bois, à loutil qui permet de créer, de façonner.
Loubli na pas tardé à recouvrir dun épais manteau de mécanisation et de technologie ces réalités désormais incongrues dans leur archaïsme. Le paysan est devenu agriculteur et donc en même temps agronome, mécanicien, biologiste, cariste
consommateur et téléspectateur. Beaucoup dentre eux ont perdu le lien privilégié quils entretenaient souvent avec leurs terres et même le simple contact physique des chaussures avec un sol non bétonné est parfois devenu rare. En effet, depuis le XIXe siècle en France et surtout depuis les années 1950, lagriculture a connu des transformations majeures qui ont notamment fait passer la population agricole de 90 % de la population active à 5 % de nos jours.
Cest cette temporalité et ce labeur disparus que Christophe Lefébure fait revivre au fil des pages de son beau livre. Et cet ouvrage est doublement plaisant car il associe des textes agréables et puissamment évocateurs à de belles photographies dobjets et de lieux. On prend un réel plaisir à le lire, et apprécier toute la subtilité des ambiances. Ne cherchons pas à aller vite en le feuilletant simplement et en ne lisant que les légendes des images : on serait immanquablement déçu et frustré. Ce serait en outre se priver de ce qui en fait la saveur. Mais nul besoin de le lire dune traite, prenons le temps. Ouvrons le premier chapitre et, dans un calme propice aux développements imaginaires, laissons lauteur évoquer avec lappui de belles uvres littéraires le temps passé. Laissons nous prendre au rythme des travaux agricoles au fil des chapitres, des labours au pressoir en passant par les semailles, la fenaison et toutes les autres activités, diverses et indispensables.
Nulle nostalgie dun passé idéalisé dans les propos de Christophe Lefébure. Il décrit de manière trop précise les douleurs demploi de certains outils pour en regretter la disparition dans le travail effectif de la terre. Il ny a quà observer les courroies ou les manches de ces outils patinés par lusage et le frottement des épaules ou des mains pour se rendre compte de la libération des corps amenée par la mécanisation. Il ny a quà écouter les auteurs du XIXe siècle décrire en voyageurs contemplatifs ces multiples corps courbés qui parsèment les champs, les prés et les potagers le long des routes ; ces dos qui crient au bout dune journée de bêchage ; ces mains qui saignent à manier le fléau de longues heures durant, sans varier de rythme. Qui peut vraiment regretter ces époques à part certains naïfs urbains soucieux de folklore rural ?
Foin de toute nostalgie, il sagit ici avant tout de témoigner. Car il ne reste guère plus que les outils pour décrire ces efforts et ces époques. Cet ouvrage sinscrit donc dans le vaste mouvement déclosion de musées dart et de traditions populaires et rurales qui a cours depuis les années 1980. Il est important de conserver une telle mémoire du quotidien en prise avec une réalité contraignante. Cet ouvrage donne à percevoir ce monde-là dune très belle manière.
Rémi Luglia ( Mis en ligne le 26/01/2007 ) Imprimer | | |
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