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Beaux arts / Beaux livres -> Peinture & Sculpture |
| Dimitri Casali Christophe Beyeler L'Histoire de France vue par les peintres Flammarion 2012 / 35 € - 229.25 ffr. / 320 pages ISBN : 978-2-08-127981-0 FORMAT : 23,3 cm × 28,1 cm
L'auteur du compte rendu : Archiviste-paléographe, docteur de l'université de Paris I-Sorbonne, conservateur en chef du patrimoine, Thierry Sarmant est responsable des collections de monnaies et médailles du musée Carnavalet après avoir été adjoint au directeur du département des monnaies, médailles et antiques de la Bibliothèque nationale de France. Il a publié, entre autres titres, Les Demeures du Soleil, Louis XIV, Louvois et la surintendance des Bâtiments du roi (2003), Vauban : l'intelligence du territoire (2006, en collaboration), Les Ministres de la Guerre, 1570-1792 : histoire et dictionnaire biographique (2007, dir.). Imprimer
Lexpérience avortée de la «Maison de lhistoire de France» a montré que lécriture du passé national reste un terrain miné. Pour les uns, il ny a pas dhistoire de France, mais un «roman national» écrit au XIXe siècle, tissé danachronismes et de propagande cocardière, quil est urgent dexpulser des programmes scolaires. Pour les autres, au contraire, lhistoire de France telle qua été mise au point et enseignée sous la IIIe République, histoire chronologique, événementielle et patriotique, demeure un socle irremplaçable et son effacement au profit dune histoire thématisée et mondialisée est une imposture. Entre ces deux positions extrêmes, il y a toute une gamme de nuances, mais, comme souvent, les tenants des partis les plus tranchés sont les mieux à même de se faire entendre.
De prime abord, LHistoire de France vue par les peintres semble appartenir au second camp, celui des nostalgiques des manuels de Lavisse et de Mallet-Isaac. Les auteurs proposent en effet la description et lanalyse dune centaine de tableaux illustrant cent événements ou personnages célèbres : batailles, sacres, revues militaires, cérémonies, insurrections, portraits individuels ou portraits de groupe. Si la majeure partie du corpus vient des peintres dhistoire du XIXe siècle, on y trouve aussi quelques toiles contemporaines des événements quelles décrivent. Le point commun à toutes ces uvres est davoir servi à illustrer les livres dhistoire de jadis, ce qui leur assure une place dans la mémoire collective, quels que soient par ailleurs leurs mérites esthétiques objectifs.
Parmi les grandes peintures du siècle avant-dernier, on retrouvera avec plaisir le Vercingétorix jette ses armes aux pieds de César de Lionel Royer (1899), Lassassinat du duc de Guise de Paul Delaroche (1834), le Richelieu sur la digue de la Rochelle dHenri Motte (1881) ou la Campagne de France dErnest Meissonier (1860-1864). Les toiles peintes au moment ou à peu de distance des événements sont tout aussi célèbres. Telles sont La présentation à Louis XIV des membres de lAcadémie des sciences par Testelin, la Marquise de Pompadour par Quentin La Tour, le Louis XVI par Duplessis, la Visite aux pestiférés de Jaffa par Gros, le Sacre de lempereur Napoléon Ier par David, la Prise de la Smalah dAbd-el-Kader par Horace Vernet ou la Rue Montorgueil fête du 30 juin 1878 par Claude Monet.
Malgré la convocation de tant de vieilles gloires, ce somptueux panorama nest ni purement rétrospectif ni exempt desprit critique. Les auteurs racontent les événements que les tableaux évoquent, mais ils aident aussi à les décrypter, soulignant les anachronismes, les artifices de composition, les intentions politiques plus ou moins cachées. Ils montrent aussi quun même événement peut donner lieu à des iconographies bien différentes quoppose une véritable «guerre des regards». À la Mort de Marat de David (1793), ils opposent ainsi lAssassinat de Marat de Jean-Joseph Weerts (1880), qui magnifie Charlotte Corday, et au Premier consul franchissant les Alpes de David encore (1800), celui, beaucoup moins triomphal de Paul Delaroche (1848).
On voit donc que, même pour les nostalgiques, comme Dimitri Casali se revendique de lêtre dans dautres écrits, retour à la chronologie et à lhistoire événementielle ne signifie pas retour à une histoire au premier degré. Le temps a fait son uvre et nous sommes loin de linnocence des premiers instituteurs de la IIIe République. Gageons, en tout cas que le débat nest pas clos et que nous ne tarderons pas à entendre reparler dune Maison de lhistoire de France, quelle soit de pierre ou, comme ici, de papier.
Thierry Sarmant ( Mis en ligne le 27/11/2012 ) Imprimer | | |
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