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Beaux arts / Beaux livres -> Peinture & Sculpture |
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Germaine Richier, un art entre deux mondes | | | Valérie Da Costa Germaine Richier - Un art entre deux mondes Norma - Essais 2006 / 25 € - 163.75 ffr. / 188 pages ISBN : 2-915542-01-5 FORMAT : 13,0cm x 21,0cm
L'auteur du compte rendu : Béatrice Brengues a une formation d'historienne de l'art, elle s'intéresse aux arts décoratifs du XXe siècle et poursuit des recherches sur le sculpteur Joachim Costa. Elle travaille parallèlement à Drouot chez un commissaire priseur. Imprimer
Avec ses créatures intrigantes et sensibles, Germaine Richier (1902-1959) est une artiste incontournable de la sculpture de laprès-guerre. Si elle ne jouit pas dune aussi grande notoriété quun Giacometti ou quun Francis Bacon, cest le signe que lhistoire de ce moment de lart est encore en chantier. En effet, il manquait une étude approfondie de son uvre car les catalogues dexposition existants noffraient quun recueil dimages à défaut dun véritable éclairage.
Le livre prend le format dun petit essai. Il ne sagit pas dune monographie luxueuse telle quon aurait pu limaginer au regard dune précédente monographie du même auteur chez cet éditeur pour un sculpteur proche de Richier : Robert Couturier. Et pour cause, avant toute introduction on prend soin davertir le lecteur : «Lauteur et léditeur ont décidé dun commun accord de publier cette étude sur Germaine Richier bien que les ayant droit naient pas autorisé la reproduction dillustrations de ses uvres». Le lecteur naura guère que trois photos pour satisfaire sa curiosité. Cest peu pour illustrer un texte bien écrit et bien documenté (397 notes des pages 145 à 173 !) mais un texte pour aveugle alors que lauteur, universitaire, cultive une histoire de lart basée sur le regard, la capture visuelle de luvre et son dépouillement. En cela, le livre reste incomplet. Il en est aussi moins attractif et on peut le voir comme une audace dans le monde de lédition dart déjà fragile, sans cesse plus contraint par le durcissement croissant du droit des images. Mais moins anecdotique quune audace, cest un livre réussi.
Valérie Da Costa propose, dans un style assez littéraire, une analyse artistique de luvre et de son évolution ainsi que sa fortune critique. Un plan classique donc, où lon note labsence dune partie strictement biographique. Cela peut se comprendre car le parcours de Germaine Richier est brillant mais au fond plutôt linéaire. Méridionale formée par Guigues, praticien de Rodin, à lécole des Beaux-Arts de Montpellier, elle vient à Paris approfondir son apprentissage dans latelier de Bourdelle. Sa carrière y commence dans les années 30. Dans cette lignée, elle pratique une sculpture figurative avec une ambition artistique plus que commémorative ou politique. Le processus créatif passe par le travail ardent de la terre avant toute autre matière et daprès un modèle dans son atelier. Bien que déroutante et expérimentale, son uvre reste sur ces points dun grande constance.
Sa première exposition en 1936 est encore marquée par ses premières influences. Elle sen libère peu à peu et les années de guerre qui sont aussi des années dexil sont un véritable tournant. Elle sinstalle alors en Suisse, avec son mari, le sculpteur zurichois Otto Bänniger. Elle séloigne peu à peu de lacadémisme. Formes et thèmes évoluent. Son vocabulaire formel passe par une matière irrégulière ou manquante, laspect décomposé des chairs, la structuration par des fils et des tensions, puis par la couleur. Son thème de prédilection, lhumain, représente le corps souvent déséquilibré, qui sétire, se disproportionne, puis shybride en mêlant des parties dinsectes ou de végétaux jouant des jeux déchelle. Femme-sauterelle, femme-chauve-souris, mantes, araignée créent un mystérieux bestiaire qui balance entre monstruosité et merveilleux.
On rapproche volontiers cet imaginaire fertile à un univers littéraire et poétique dans lequel baignait effectivement Germaine Richier depuis son remariage avec lécrivain André de Solier. Sa fortune critique en est dautant plus intéressante car de nombreux écrivains se sont penchés sur son uvre. Lambiance de latelier revient dans les textes de différents auteurs, ce qui permet à Valérie Da Costa daborder plus largement ce thème oublié par lhistoire de lart. En quelques pages passionnantes, elle montre comme cet espace est révélateur de luvre. Dans le cas de Germaine Richier, il est densément habité par des créatures hétéroclites qui cohabitent en sérénité sous la généreuse autorité de la sculptrice.
Dune esthétique en rupture, née du chaos et de la guerre, et exprimée à la même époque par de nombreux artistes, il ressort de son uvre la volonté de rester humain.
Béatrice Brengues ( Mis en ligne le 01/12/2006 ) Imprimer | | |
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