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Mongols, Bédouins, Touaregs, Indiens, Tziganes…
Denis Couchaux   Habitats nomades
Alternatives - Anarchitecture 2004 /  39 € - 255.45 ffr. / 191 pages
ISBN :  2-86227-423-2
FORMAT : 23x25 cm

L'auteur du compte rendu : Marie-Laure Portal est docteur ès Lettres en Histoire de l’art et Archéologie(Paris IV). Sa formation l’a amenée à s’intéresser à l’architecture. Elle est également chercheuse associée au Centre d’Archéologie Générale où son travail porte sur une modélisation anhistorique de la question du logement.
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Architecte de formation, Denis Couchaux traite d’une architecture délaissée, celle des nomades, dont l’originalité tient à son adaptation d’une part au type de société, en constant mouvement, d’où des habitats légers et souples, d’autre part à l’utilisation de matériaux et de techniques constructives originales (dômes, structures tendues isostatiques).

Afin de combler en partie les lacunes documentaires consécutives à l’altération des habitations nomades ou à la disparition des peuples concernés, l’auteur s’est servi d’études ethnographiques menées depuis plus d’un siècle. Á ce propos, on peut regretter que les informations apportées au fil du texte ne soient jamais référencées à des sources rassemblées dans un appareil de notes, et que l’effort illustratif de la maquette ne soit pas assorti de commentaires plus développés des documents présentés, éléments qui auraient été utiles au lecteur curieux ou au chercheur souhaitant approfondir certains points de la question évoqués dans l’ouvrage.

Á partir de ces sources, l’auteur organise son propos selon une typologie constructive des logements nomades (huttes, tentes, habitations des Tsiganes), précédée d’une introduction sur l’espace des nomades (leurs territoires, leur société, le marquage symbolique des lieux de vie), et suivie d’une conclusion sur les rapports du nomadisme et du monde contemporain.

Dans son introduction, est rappelée l’ancienneté et l’étendue du phénomène, depuis le nomadisme des chasseurs-pêcheurs du Paléolithique, puis celui des pasteurs entre le 10e et le 7e millénaire avant notre ère, jusqu'à celui de nouvelles sociétés pastorales constituées en Asie (Mongols, Kirghiz …) et en Afrique du Nord (Bédouins, Maures, Arabes, Touareg, Toubous …) au 1er millénaire, sans oublier les Indiens d’Amérique du Nord et les Tsiganes. Contrairement au morcellement spatial auxquels sont habitués les sédentaires, les nomades ont en commun une conception de l’espace comme une continuité qui se retrouve à la fois dans l’ensemble du campement ─ qui n’est pas cloisonné entre les habitations ─ et dans leurs habitations ─ qui ne comportent pas de compartimentage intérieur (sauf celui hommes/ femmes imposé par l’Islam à l’intérieur de certaines tentes arabes) : la séparation sociale n’est donc pas techniquement fabriquée, ni par des cloisons, ni même par le mobilier ; seule la disposition des membres de la famille est strictement hiérarchisée comme chez les Guayakis d’Amérique du Sud.

Après cette partie introductive, l’auteur présente le catalogue des habitations en commençant par les abris «immeubles» que sont les huttes, dont il offre un échantillonnage classé suivant le procédé constructif utilisé : paravents, doubles écrans jointifs, cônes, voûtes, coupoles. Les huttes sont construites sur armature de bois (sauf pour l’igloo), tandis que le revêtement est fait d’écorces, herbes et feuilles (sous forme de chaumes ou de nattes), de branchages, de peaux, de terre ou de neige.
Au terme de cette présentation des huttes, D. Couchaux se penche sur les tentes qu’il distingue des premières sur le critère que ce sont des abris mobiles et démontables. Dans cette partie, l’exposé de chaque type de tente suit un plan semblable avec les caractéristiques générales (domaine géographique et peuples en ayant eu l’usage), les descriptions techniques (armature, revêtement, montage/ démontage, transport, campement) et l’aménagement intérieur avec disposition des occupants et signification symbolique de la tente.

La dernière partie du catalogue est consacrée aux habitations tziganes qui varient selon les circonstances du nomadisme ; on trouve les tentes coupolaires/ coniques/ rectangulaires (toutes aujourd’hui quasiment disparues), les chariots, roulottes et caravanes. Aucun de ces logements ne comporte de cloison interne et seule la tradition attribue à chacun sa place dans l’habitation.

L’auteur conclut sur les rapports entre nomades et populations sédentaires. Si les relations sont quelquefois harmonieuses (par exemple entre pasteurs nomades tutsis, agriculteurs sédentaires utus et chasseurs-collecteurs pygmées) ou parfois équilibrées sous forme d’échange (caravanes nomades reliant les cités d’Asie Centrale ou d’Afrique du Nord), elles prennent souvent une forme belliqueuse aboutissant à l’altération de l’espace des nomades.

Par rapport au découpage de son propos, on se rend compte que l’auteur est parfois gêné par la distinction principale qu’il pose, entre huttes et tentes, car il s’aperçoit par exemple que les huttes coniques des indiens Payiutes sont très proches de la plupart des tentes coniques simples de la zone arctique et subarctique (p.42), ou encore que les demeures massaïs sont difficiles à classer dans les huttes ou dans les tentes car les armatures sont composées de matériaux locaux alors que leur revêtement se transporte (p.43). De fait, on peut s’interroger sur la pertinence d’une typologie qui s’appuie en premier lieu sur une distinction lexicale, celle de la «tente» et de la «hutte», termes recouvrant de façon partielle les notions de mobilité ou d’immobilité, puisque certaines habitations sont semi-mobiles (revêtement transporté et armature fabriquée à chaque arrêt), et en second lieu sur des aspects techniques puisque Denis Couchaux classe parmi les huttes les bateaux maisons des nomades marins de l’océan Indien dans la mesure où elles sont constituées d’un double écran jointif. Ce découpage n’est pas le plus opérationnel car les mots ne fournissent pas la déconstruction analytique d’un objet d’étude ne ressortissant pas au langage, mais à la technique et à la société initiatrice de ces habitations. Le propos aurait eu davantage de portée, semble-t-il, en s’articulant d’une part sur les diverses solutions techniques retenues selon les peuples en cause pour faciliter la mobilité et adapter la demeure aux conditions climatiques souvent rudes que doivent affronter les nomades.

D’autre part, outre la mobilité, le nomadisme adopte des dispositions architecturales ouvertes, à l’intérieur de l’habitation comme à l’échelle de l’ensemble du campement, inversement aux lieux de vie des sédentaires, fortement sectorisés tant dans l’urbanisme qu’à l’intérieur du logement. Cet exposé d’une riche matière aurait ainsi gagné en pertinence en démontrant, dans la variété des solutions architecturales historiquement attestées, comment, de façon générique, la maison du nomade contribue à établir cette identité sociale spécifique.


Marie-Laure Portal
( Mis en ligne le 10/12/2004 )
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