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Beaux arts / Beaux livres -> Architecture & Design |
| Philippe Garner Eileen Gray Taschen - Grande Collection Archi.design 2007 / 19.99 € - 130.93 ffr. / 160 pages ISBN : 3822844179 FORMAT : 23x30 cm
Edition trilingue français-anglais-allemand.
L'auteur du compte rendu : Béatrice Brengues a une formation d'historienne de l'art, elle s'intéresse aux arts décoratifs du XXe siècle et poursuit des recherches sur le sculpteur Joachim Costa. Elle travaille parallèlement à Drouot chez un commissaire priseur. Imprimer
A la manière dun commissaire-priseur, Philippe Garner, par ailleurs directeur de Christies, dresse linventaire du mobilier crée par Eileen Gray (1878- 1976). Mais cest une prisée peu ordinaire car elle sétale sur des années, lente et patiente redécouverte qui sest faite objet par objet depuis les années 70. Luvre dEileen Gray sénonce en seulement quelques pièces et cristallise du laque au métal les tendances contradictoires des années 10-20-30 pour devenir une figure magnétique de la Modernité.
Dans un texte rapidement brossé, lauteur distille le parcours de la décoratrice par grandes étapes. Ce livre ne donne pas lieu au portrait auquel on pouvait sattendre sur une personnalité aussi mystérieuse et complexe, qui a inspiré les plus grands créateurs de son temps, notamment Le Corbusier qui se serait volontiers fait attribuer la paternité de quelques uvres
Irlandaise, issue dune famille aisée, elle commence ses études dart à Londres puis sinstalle à Paris en 1907 où elle vit jusquà sa mort en 1976. Marginale dans ses goûts et dans ses choix, elle sait pourtant trouver parmi la haute société une clientèle pour ses créations, mais sa production reste confidentielle. Jacques Doucet, grand mécène, compte parmi ses premiers amateurs et cest dailleurs grâce à lui, au moment de la dispersion de sa collection dans les années 70, que lon commence à la redécouvrir puis à la rééditer.
Ce livre tient donc plus du catalogue que de la monographie. Il sorganise par grande typologie : paravents, table, cabinets, chaises, luminaires et tapis, et sappuie sur de belles photographies contemporaines et quelques-unes dépoque, qui révèlent labondance des décors. Eileen Gray était une spécialiste du laque, et transposa la délicate technique japonaise aux formes occidentales avec des motifs géométriques abstraits. Elle est donc proche du mouvement Art Déco dans la recherche de modernité et dans lattention portée au fini et à la matière mais sa préciosité obsessionnelle la laisse toutefois à lécart. En 1923, avant même que lArt Déco ne saffirme comme style, le hasard dune rencontre avec larchitecte hollandais Jacobus J.P. Oud la détourne de cette voie. Initiée à la rigueur stylistique du groupe De Stijl, son mobilier prend une allure radicale dont la structure anguleuse se compose de matériaux industriels, principalement lacier. Cette réorientation brutale est difficilement compréhensible dans ce livre à cause de lorganisation typologique et non chronologique.
Cest ainsi que son uvre architecturale se trouve présentée dans les dernières pages pour ne pas être mélangée au mobilier alors que cest un moment majeur de son uvre. Epaulée par larchitecte Jean Badovici, elle sinvestit de 1924 à 1929 dans la construction de la Villa E-1027 sur un terrain surplombant la mer à Roquebrune-Cap Martin. Elle y réussit une synthèse de larchitecture blanche des Modernes dans un espace restreint mais dense, pleinement ouvert sur la Méditerranée. Elle applique avec maîtrise les cinq points dune architecture nouvelle, énoncés alors par Le Corbusier qui construisit des années après son fameux cabanon dans sa proximité immédiate. Par le nouveau mobilier créé spécialement, elle accentue le changement de mode de vie. Ces pièces les plus réputées, aujourdhui rééditées, sont dessinées pour E-1027 : le fauteuil Bibendum, le fauteuil transat, la petite table dappoint à structure tubulaire.
Entre une période noire, dans la profondeur des laques, et une période blanche, au design épuré de E1027, ce livre laisse limage dun personnage en demi-teinte où létrange dame reste évanescente et fumeuse alors que la ligne de ses meubles devenait au fil du temps toujours plus nette.
Béatrice Brengues ( Mis en ligne le 26/10/2007 ) Imprimer | | |
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