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Beaux arts / Beaux livres -> Photographie |
| Hervé Guibert Jean-Baptiste Del Amo Hervé Guibert photographe Gallimard 2011 / 35 € - 229.25 ffr. / 222 pages ISBN : 978-2-07-013255-3 FORMAT : 19cm x 22,5cm
L'auteur du compte rendu : Arnaud Genon est docteur en littérature française, professeur certifié en Lettres Modernes. Enseignant à Casablanca, il est Visiting Scholar de ReFrance (Nottingham Trent University). Auteur de Hervé Guibert, vers une esthétique postmoderne (LHarmattan, 2007), spécialiste de lécriture de soi dans la littérature contemporaine, il a cofondé les sites herveguibert.net et autofiction.org. Imprimer
Une des particularités de luvre dHervé Guibert est davoir, très tôt, associé le texte et limage. En témoignent notamment son roman-photo Suzanne et Louise (1980) mais aussi le parti pris de faire des images une matière décriture dans LImage fantôme (1981) ou dans le cadre des nombreux articles quil consacra à la photographie, réunis dans La Photo inéluctablement (1999). Cela pris en considération, il paraît alors évident que cet art nest en aucun cas le parent pauvre de son travail, ne doit pas se concevoir comme une pratique secondaire ou accessoire.
Hervé Guibert était un homme dimages, de visions avoir écrit sur la cécité (Des Aveugles, 1985) en est une des manifestations et les désirs de photographies, de cinéma traversent la plupart de ses écrits. Mais si le rêve du septième art se matérialisa tardivement et en prolongement de son travail littéraire (La Pudeur ou lImpudeur, 1992), celui de la photographie se concrétisa, quant à lui, rapidement à loccasion dune première exposition en 1979, à la Remise du Parc.
Ainsi, les 230 tirages actuellement présentés à la Maison Européenne de la Photographie et le catalogue de lexposition qui accompagne lévénement très justement préfacé par Jean-Baptiste Del Amo apparaissent comme la consécration dune uvre photographique majeure qui était jusque-là restée dans lombre des livres de lécrivain. Les clichés ici réunis sont la marque de la place importante quoccupe la photographie dans léconomie générale de luvre. En outre, ils révèlent que plus que laccompagnement ou lillustration de certains de ses textes, les photographies en constituent souvent une déclinaison.
Cest le cas avec les nombreux portraits consacrés aux grand-tantes devenues personnages, acceptant, comme un jeu, les mises en scène que leur propose leur petit-neveu. De même, on trouvera déclinée la fascination de Guibert pour les statues de cire qui avaient nourri certains des récits de La Mort propagande (1977) ou encore Vice (1991), livre inclassable faisant alterner textes et images.
A côté des lieux marquants que sont le presbytère de Santa Catarina où Guibert écrivit plusieurs de ses romans, lappartement de la rue Vaugirard et les objets, les tableaux quil contient, on peut contempler de très nombreuses tables de travail qui se lisent comme autant dautoportraits en absence, de traces, de vestiges de moments décriture qui inscrivent en creux la figure de lauteur. Ailleurs, les proches (Thierry, Isabelle Adjani, Agathe Gaillard, Vincent, Eugène, Christine
) sont saisis dans des moments intenses, des moments dabandon, des moments dintense abandon, comme offerts à lobjectif qui les capte, comme le rapt dun instant, le temps dune épiphanie ou dune expression mélancolique.
Guibert sest aussi beaucoup photographié, à la manière de Rembrandt qui sétait peint à tous les âges de sa vie. Il y a dans cette pratique, ainsi que le remarque Jean-Baptiste Del Amo, la volonté de créer des «points de repère de son évolution physique et artistique», ou selon les propres mots du photographe dans LImage fantôme, le désir de «délimiter une image posthume», dêtre attentif «aux transformations de [s]on visage comme aux transformations dun personnage de roman qui sachemine lentement vers la mort». Mais contrairement à lidée reçue et le préfacier met bien cet aspect en lumière lautoportrait chez Guibert na rien dauto-contemplatif, na pas pour «objectif de saisir une image flatteuse, narcissique, mais de rendre compte dun trouble intérieur».
Désormais, avec cette rétrospective, avec ce catalogue, on sait quHervé Guibert était aussi photographe. Il ne faudra alors plus hiérarchiser la place et limportance des différents moyens dexpression que lécrivain-photographe-cinéaste avait choisi dinvestir, selon le souhait quil avait formulé dans son journal, Le Mausolée des amants (2001) : «Je rêve que la photographie semble un même travail manuel que la calligraphie. Je rêve que les photographes se mettent à écrire et que les écrivains prennent des photos, quil ny ait plus dintimidation des uns aux autres, que chaque activité soit lindicible, linnommable
».
Arnaud Genon ( Mis en ligne le 11/03/2011 ) Imprimer
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