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Beaux arts / Beaux livres  ->  Photographie  
 

Femmes irréelles
 Collectif   Miroslav Tichý. L’Homme à la Mauvaise Caméra
Les Presses du Réel Artvox 2012 /  25 € - 163.75 ffr. / 64 pages
ISBN : 978-2-916067-65-0
FORMAT : 17 x 24 cm

L'auteur du compte rendu : Alexandra Person est diplômée en histoire de l'art (Master I,II Université Paris-IV la Sorbonne). Elle a plus particulièrement étudié l'art officiel et la propagande sous la colonisation française. Elle participe actuellement à la gestion d'une collection privée d'art moderne et contemporain.
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La galerie Pascal Polar à Bruxelles expose jusqu'au 28 mai une série de photographies de l'artiste tchèque Miroslav Tichý (1926-2011), révélé par la Biennale d'art contemporain de Séville en 2004. Plus synthétique que l'ouvrage fondateur du Centre Pompidou qui présentait son œuvre pour la première fois en France en 2008, ce catalogue est la deuxième publication en français consacrée au photographe.

Cette œuvre réalisée entre 1960 et 1980 était restée dans la clandestinité du refuge qu'occupait Miroslav Tichý à Kyjov. Formé à l'académie d'art de Prague, il renonça brutalement à la peinture en 1957 et trouva dans la photographie un nouveau mode d'expression et une liberté de mouvement en adéquation avec son refus d'adhérer au «réalisme social dominant». Le catalogue attribue un sens politique au «repli-sur-soi» adopté par Miroslav Tichý jusqu'à la fin de sa vie. Délibérément marginal et fabriquant lui-même ses appareils photographiques à partir de matériaux de récupération, «l'homme à la mauvaise caméra» put se mêler aux femmes, incarnations de cette œuvre rebelle et contestataire.

Loin de toute véhémence, c'est la poésie qui prime dans ces photographies, où le motif féminin baigne dans une atmosphère onirique et sensuelle. Miroslav Tichý traque quotidiennement la femme dans le délassement des lieux publics, piscine, terrain de sport, arrêt de bus. Silhouettes fugitives, cadre focalisé sur une cuisse dévoilée, des genoux croisés, composent l'iconographie du monde illusoire du photographe en maraude. L'ouvrage démontre combien l'économie de moyens et l'engagement physique du photographe sont les corollaires d'une esthétique de l'imperfection revendiquée par Miroslav Tichý. Avec ses appareils photographiques de fortune, il obtient des effets de flou proches du dessin, semblables à la photographie pictorialiste de la fin du XIXe siècle. Mais ici, l'imprécision technique de son cadrage est au service d'une résistance politique qu'il place dans l'évitement de la netteté et donc du réalisme.

Observant ces photographies, vaguement lisibles, Carolyn Christov-Bakargiev, un des auteurs, parle de «singularités indistinctes» pour désigner ces femmes irréelles, sujet principal de l’œuvre. Ainsi, par le truchement du mauvais cadrage, parfois d'un grillage, Miroslav Tichý, conserve une distanciation avec la femme, visant à exprimer la sensualité plutôt que l'érotisme. Une fois réalisés, le photographe, abandonne littéralement ces clichés à la libre intervention du hasard. En encadrant lui-même ses photographies abîmées par des «morsures de rat, [des] empreintes digitales, [des] taches de graisse...», Miroslav Tichý intègre ses photographies à un processus créatif qui valorise le ratage et l'accident. Cette radicalité, caractéristique de l'art «outsider», place finalement le photographe dans une perspective plus contemporaine.

Bref, mais substantiel, cet ouvrage analyse avec rigueur les différentes interprétations de l’œuvre, quitte à nuancer certaines mystifications. La découverte tardive de ces photographies a suscité un intérêt fulgurant qui interroge aussi notre rapport à l'art dans la société. L'art de Miroslav Tichý, artiste retiré du monde par conviction politique, bénéficie d'un pouvoir de fascination qui tranche avec certaines tentatives de starification ou de spéculation en vigueur à notre époque. Du fait même de cette aura, son œuvre demeure atemporelle, à mi chemin entre le rêve et la réalité, le classicisme et la modernité.


Alexandra Person
( Mis en ligne le 21/05/2012 )
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