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Beaux arts / Beaux livres -> Photographie |
| Renato Pestriniero Sergio Zaccaron Faces - Visages maquillés du Carnaval de Venise Herscher 2003 / 39 € - 255.45 ffr. / 172 pages ISBN : 2-7335-0359-6 FORMAT : 23x23 cm
Traduit de l'italien par Jean-Pierre Brouillaud. Imprimer
Un cygne flottant doucement à la surface de deux yeux, un sourire fleuri de violettes et dombelles, des chevelures de fougères argentées
On croirait simmiscer dans limaginaire dun poète pris par sa muse ou dans la prose dun surréaliste, dun disciple dada. Il nen est rien : on ne fait que décrire presque prosaïquement les visages maquillés qui se croisent à Venise le temps du fameux carnaval. On devient alors obligatoirement troubadour devant la poésie étrange émanant de ces minois colorés où, aux traits des visages, se superposent les tracés au crayon noir, les peintures cosmétiques, des fonds de teint hypnotisants
Alors, chaque Vénitien, tout en masquant lindividu tapi en lui, avec ses convenances, un éthos social bien calibré, redevient unique mais différemment, comme si, dans lintervalle de quelques jours, les inhibitions tombaient et révélaient, en chacun, le poète, lenfant et lartiste.
Telle est limpression que provoquent les portraits du photographe Sergio Zaccaron. Devant chacune de ces uvres dart éphémères, créations personnelles où fruits rémunérés de ces medecine women proposant leurs pinceaux et leur talent cosmétique dans les rues de la cité lacustre, le regard sébaudit
On admire les palettes subtiles, les inventions graphiques de ces Vénitiens toujours fidèles à la réputation de leur invraisemblable cité.
Aux archétypes carnavalesques les pierrots, colombines, arlequins et casanovas classiques mais déclinés en dinnombrables variations -, se mêlent des visages dont les qualificatifs mêmes sont comme des atomes de poésie : isiaques ou osiriens, arcimboldesques, champêtres, lunaires, hululant ou félins, tarantuliens, arabisants, flamboyant ou métalliques, méphistophéliques ou séléniens, jazz, punk, rock, androgynes ou felliniens, orientaux, aristocratiques ou japonisants
Le photographe se concentre sur ces «faces», forçant le regard à ne pas ségarer dans les allées vénitiennes. Les visages sont Venise incarnée. Nul besoin de voir les campaniles et la place San Marco. Dun coup dil, le lecteur/spectateur sait où et quand il se trouve. Le cadrage, serré sur les visages, amplifie donc cette fonction métonymique des maquillages. Ils sont les reflets dune ville à part, onirique, hors du temps mais pavée dhistoire
Ces portraits sont en outre aiguisés par la plume idoine dun écrivain local : Renato Pestriniero accompagne les clichés dune prose riche et emportée, avec ce rien de préciosité excessive que lon retrouve sur les visages, à Venise en général et dans son carnaval en particulier.
Faces est donc une occasion originale de se plonger par le plaisir des yeux dans lambiance mystérieuse de la cité des doges. Où les clichés de lartiste valent et dépassent mêmes ceux plus touristiques : gondoles, verre soufflé, camées onéreux et tutti quanti !...
Bruno Portesi ( Mis en ligne le 24/11/2003 ) Imprimer
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