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Beaux arts / Beaux livres -> Photographie |
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À la recherche du temps perdu | | | Alistair Crawford Mario Giacomelli Phaidon 2004 / 75 € - 491.25 ffr. / 428 pages ISBN : 0-7148-9341-2 FORMAT : 26x30 cm
Une exposition consacrée à Mario Giacomelli se tient en parallèle à la Bibliothèque nationale de France, site Richelieu, jusquau 30 avril 2005. Imprimer
Senigallia
Cest dans ce petit village sur la côte adriatique que Mario Giacomelli, grande figure de la photographie italienne, voit le jour en 1925, là aussi que sa vie sachève en 2000. Toute son existence durant, il va célébrer cette région des Marches si chère à son cur, quil na pratiquement jamais quittée. Issu dun milieu pauvre, orphelin de père, il commence à treize ans à travailler dans une typographie, fasciné par les infinies possibilités de la composition des mots. Ses moments libres, il les consacre dans un premier temps à la peinture et à la poésie. Puis, très vite, la photographie simpose. Elle lui permet «de faire des choses plus fortes. Elle ne crée pas, bien sûr, et elle ne sait pas dire tout ce quon veut. Mais elle témoigne de notre passage sur cette terre, comme un carnet de notes». Une façon bien à lui de lutter contre le temps, «ce présent qui nexiste jamais tout à fait».
Au milieu des années 50, sa série de photographies sur lhospice, intitulée «La mort viendra qui aura tes yeux», daprès un poème de Cesare Pavese, exprime ce désir de montrer les ravages du temps. Pendant un an, Giacomelli se rend tous les week-ends dans cet hospice où, enfant, il accompagnait sa mère qui y travaillait. Sans appareil photo, il côtoie les personnes âgées, ayant de petites attentions pour certaines, et se fond dans cet environnement si particulier. Deux ans seront ensuite nécessaires pour réaliser cette série qui montre la violence de la vieillesse, la sénilité et la souffrance. Il utilise le flash, une lumière crue qui accentue les rides : «Je travaille à léclair. Exprès. Pour ajouter ma propre méchanceté à la méchanceté de celui qui a créé le monde et qui nous fait vieillir. Ce nest pas tellement pour montrer la qualité de la peau, mais pour ajouter du contraste, pour obtenir un effet encore plus violent. Léclair modifie la réalité, la rend plus mienne.»
En effet, il na que faire de la technique. Muni dun appareil bricolé avec du scotch, il aborde la photographie en autodidacte simplement guidé par son instinct. Il bouleverse les pratiques photographiques par sa méconnaissance : il surexpose, surdéveloppe, emploie une faible profondeur de champs, utilise des films périmés pour obtenir des contrastes plus accentués
Malgré son côté désorganisé, cest un alchimiste, au tirage dans le petit laboratoire quil a installé chez lui, réalisant un travail très personnel affranchi des procédés techniques habituellement utilisés.
Le monde paysan, avec le labour des champs et les fêtes populaires, est très présent dans luvre de Giacomelli. Peu à peu, inspiré par «Linfini», poème de Giacomo Leopardi, il décide de changer de perspective, de ne plus regarder la terre du point de vue du paysan qui la travaille, mais depuis le ciel. Empruntant lavion dun ami, il multiplie les prises de vue aériennes. La terre et ses sillons rappellent les visages ridés des vieillards immortalisés par le photographe. Là encore, il sature à lexcès : «Les noirs cachent, les blancs manifestent des formes, le monde sur la pellicule est un autre monde, où le paysage devient broderie». Il tire de ces panoramas nervurés des compositions presque abstraites. Il intervient sur le paysage comme sur une toile, nhésitant pas après les moissons à demander à des agriculteurs complaisants de labourer les champs selon ses propres indications comme sil sculptait la terre, un précurseur du land art.
Une uvre grave et mélancolique, que viennent éclairer quelques rares photographies illustrant le bonheur. Cest le cas notamment de cette série qui la fait connaître, où lon voit de jeunes prêtres batifoler dans la neige, le noir des soutanes contrastant violemment avec le blanc de la neige ; une impression de mouvement se détachant de lensemble. Ou encore de ses photographies montrant un jeune couple sétreignant dans les champs.
Cette très belle monographie, qui rassemble environ sept cents photographies en noir et blanc, est louvrage le plus complet consacré à cette uvre. Lensemble, organisé en trente-deux chapitres, propose une lecture à rebours, des photographies les plus récentes de lartiste à ses premières uvres, traversant presque cinquante ans. À chaque série de photographies est associé un poème choisi par Giacomelli qui trouve parfois dans les mots de Jorge Luis Borgès, Emily Dickinson ou Giacomo Leopardi une réelle source dinspiration. «La photographie cest pas compliqué. À condition davoir quelque chose à dire»
Mario Giacomelli a beaucoup à dire et cest maintenant à vous de le découvrir
Marina Hemonet ( Mis en ligne le 11/03/2005 ) Imprimer
Ailleurs sur le web :Citations tirées d'un entretien de Giacomelli avec Franck Horvat | | |
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