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Beaux arts / Beaux livres -> Photographie |
| Alain Bellet Patricia Baud L'Usine de ma vie - Mémoires vives de la cokerie de Drocourt Le Cherche Midi 2005 / 30 € - 196.5 ffr. / 128 pages ISBN : 2-7491-0375-4 FORMAT : 26x30 cm
L'auteur du compte rendu: Marion Perceval a suivi les cours de premier et de deuxième cycles de l'Ecole du Louvre (option histoire de la photographie). Elle prépare actuellement un DEA d'histoire des techniques sur Alphonse Davanne, un chimiste-photographe qui tenta de vulgariser la pratique photo à la fin du XIXe siècle. Imprimer
Dès son invention, la photographie prend pour thème privilégié le travail rural ou urbain permettant à la fois dillustrer le quotidien et les valeurs traditionnelles. On connaît ainsi le long reportage de François Kollar, La France travaille, un hymne aux ouvriers et à la machine réalisé dans les années 30. Cependant, depuis plusieurs décennies, suivant lévolution de la société, cest le chômage qui devient photogénique.
En 2002, la cokerie de Drocourt, dans le Pas-de-Calais, ferme définitivement, laissant ainsi un peu plus de chômage dans la région et une friche polluée par les années dexploitation. Cet ouvrage publié par le Cherche Midi est une réalisation dAlain Bellet et Patricia Baud à la demande des élus. Le traumatisme, physique et psychologique, est immense, tant pour les «cokiers», ouvriers de la mine, que pour lenvironnement. La photographie comme catharsis. Cest un des rôles quon lui donne et quelle tient ici avec brio. Ce livre est plus proche dun album de famille que dune réflexion sociologique sur la fermeture des mines et le chômage induit.
Il est constitué de portraits dhommes autant que de lieux, les machines dignes dun mécano, les corons et les jardins potagers, le bistrot, lieu de rencontre
En effet, on suit des personnes au travail, puis dans les agences de lANPE, tentant de se reclasser, de se reconstituer. Un reportage au long cours - cest assez rare pour être souligné - que les deux auteurs ont débuté quelques mois avant la fermeture définitive et la destruction de lusine et quils ont poursuivi encore plusieurs mois, des luttes syndicales à lamère recherche dun nouvel emploi.
Incroyable pour le lecteur est lamour que portent les ouvriers à leur bourreau. Cette mine pour laquelle ils ont travaillé, vécu devrait-on dire, qui les a rendus souvent malades et qui, une fois disparue, leur laisse une terre stérile quil reste à dépolluer. Il est totalement paradoxal, voire incompréhensible pour le néophyte urbain, de voir le rapport quentretenaient les mineurs, souvent familles entières (le grand-père, le père et le fils parfois avaient travaillé dans la même mine), avec leur activité, destructrice mais créatrice dune solidarité et dun sens du partage hors du commun.
On peut regretter le noir et blanc de limage, qui lui donne un aspect suranné, un petit goût de lointain et dirréel alors que tout est encore si proche, que ces ouvriers sont si «palpables» ; et regretter aussi parfois le texte que lon aurait préféré plus «brut», constitué uniquement des paroles des acteurs. Mais cet ouvrage est très important pour toute une mémoire ouvrière, minière. Il se situe dans la veine des reportages (photographiques ou filmographiques) engagés actuels donnant la parole à ceux que lon n'entend jamais. Cest ainsi, malgré ses imperfections, un hommage à une époque révolue et à une condition dhomme. Car de femmes on ne parle malheureusement pas
Marion Perceval ( Mis en ligne le 18/03/2005 ) Imprimer | | |
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