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Le beau et le laid
Jean Clair   Hubris. La fabrique du monstre dans l'art moderne - Homoncules, Géants et Acéphales
Gallimard - Connaissance de l'inconscient 2012 /  28,50 € - 186.68 ffr. / 189 pages
ISBN : 978-2-07-013668-1
FORMAT : 14,3 cm × 22,6 cm
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Jean Clair, pourfendeur de l'art contemporain, auteur de plusieurs ouvrages sur l'art (Balthus, Zoran Music, Marcel Duchamp) et d'essai critique (L'Hiver de la culture, Malaise dans les musées, La Responsabilité de l'artiste), revient à un de ses "dadas" : il analyse ici le monstrueux, l'hubris éponyme qui évoque la mythologie grecque et l’idée de démesure dans les comportements. "En latin, le monstrum relève aussi de la fantasmagorie, un prodige, un avertissement émané de la volonté des dieux, comme le suggère une étymologie inattendue : monere, avertir, prévenir, mettre en garde. Mais monere, c'est aussi, de manière tout aussi inattendue, et d'un sens apparemment contradictoire, conserver le souvenir, la trace, la mémoire. C'est l'injonction du tombeau, de l'inscription, de la statue. De moene dérive le monumentum" (p.9).

Avec un prologue, et en six chapitres, successivement intitulés ''L'entrée des monstres'', ''Naissance de l'homoncule'', ''Le retour des titans'', ''La guillotine et le clavecin'', ''Naissance de l'acéphale'', et enfin ''Le musée et la mort'', agrémenté de 87 reproductions d'œuvres d'art, l'essai de Jean Clair déploie, dans un langage aussi simple que savant, une longue méditation et une explication de ses monstres dans l'art moderne, avec de fréquents retours au passé pour en expliciter les tenants et les aboutissants.

Monstres, morbidité, excès, déformations, étirements, Jean Clair s'ingénie à tisser un réseau de correspondances tout à fait étonnantes avec des références culturelles proprement sidérantes. L’anormalité dans l’art se caractérise, à la suite des anciens dieux grecs et des créatures légendaires, par un resurgissement de ces figures depuis deux siècles dans l'art moderne, brouillant la distinction caractéristique entre le beau et le laid, le normal et l’anormal. L'auteur s'appuie sur plusieurs œuvres de Dali, Ernst, Duchamp, Picasso, Giacometti, Balthus, Bacon et tant d’autres. Jean Clair relie à travers peintures et sculptures des façons de cartographier l'être humain. Il analyse trois principales figures, celles de l’homoncule, du géant et de l’acéphale, et évoque leur évolution depuis des décennies (comme par exemple le géant en lien avec le roman de Swift Le Voyage de Gulliver ou Voltaire dans Micromégas mais aussi L’Homme-Machine du philosophe La Mettrie).

Dans un prologue éclairant, l'auteur date de 1895 l'arrivée des monstres, en parallèle avec l'apparition du cinéma et du télégraphe, époque bénie par la science, le positivisme ou les avancées technologiques. Comme si, au cœur de temps «éclairés», ces formes dérangeantes et irrationnelles, grotesques et troubles ne cessaient d’indiquer un arrière-plan prêt à resurgir sans que l’on s’y attende.

Une curieuse évolution tout de même, car au moment où le «monstre» sous différentes formes envahit les territoires de l’art moderne (Jean Clair élimine volontairement l’art purement abstrait qui évacue ces monstres), on cultive, dans la réalité, des formes parfaites (celle du top model ou de l’athlète musclé, surtout dans les idéologies totalitaires qui vont advenir sous les pires aspects). L’homoncule qui puise son origine dans les fantasmagories anthropoïdes du Moyen Âge, qu’a très bien répertoriées l’historien Jurgis Baltrušaitis, trouve sa matérialisation par exemple dans les croquis du neurologue Wilder Penfield en 1950 et semble vouloir représenter, à travers les motifs de la déformation, de la désarticulation, de l’étirement, les dérèglements de l’esprit et la perte de l’humanité.

Jean Clair s’interroge tout au long de son remarquable ouvrage sur les rapports de ce surgissement du monstrueux qui hante l’imaginaire humain depuis des siècles. Il est juste dommage qu'il ne fasse pas une courte échappée vers le cinéma fantastique qui a beaucoup utilisé ces monstres tout au long de son histoire. Mais il est évident qu'il devait limiter son corpus.


Yannick Rolandeau
( Mis en ligne le 18/05/2012 )
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