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De la rhétorique picturale
Barbara Pasquinelli   Le Geste et l'Expression
Hazan - Guide des arts 2006 /  27 € - 176.85 ffr. / 367 pages
ISBN : 2-7541-0086-5
FORMAT : 13,5cm x 20,0cm

Traduction de Claire Mulkai.

L'auteur du compte rendu : Rachel Lauthelier-Mourier a soutenu en 2002 une thèse de doctorat intitulée "Géographie et rhétorique dans les récits de voyage en Orient à l'époque classique" (Paris IV-Université de Montréal). Elle est aujourd'hui Maître de Conférences à l'Ecole Pratique des Hautes Etudes (EPHE). Ses recherches portent sur le genre viatique et les transferts culturels (épistémologie en particulier).

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La collection «Guide des Arts» des éditions Hazan s’enrichit de ce nouveau titre, Le Geste et l’expression, qui intéressera tous ceux qui aiment «donner de la voix à l’iconographie». La peinture nous livre de merveilleuses histoires : encore faut-il savoir les déchiffrer.

Barbara Pasquinelli, jeune chercheuse de l’Université de Macerata (Italie), spécialiste de l’œuvre de Carlo Crivelli, nous donne pour ce faire de précieuses clefs de compréhension. Les catégories qu’elle a établies pour classer les différents types de gestes et d’expressions ont déterminé les chapitres : «les gestes descriptifs» indiquent une action, un objet ou un récit mis en exergue dans le tableau, ou hors du cadre. On pense à Jean-Baptiste peint par Léonard de Vinci, qui montre de l’index un vide obscur, celui de l’absence mais aussi paradoxalement de l’immanence divine. «Les gestes expressifs», de toutes les parties du corps, traduisent les états intérieurs des personnages. Cette gestuelle accentuée, qui s’inspire du spectacle vivant, est donc «expressive», et le plus souvent comprise intuitivement, parce qu’elle correspond à des invariants humains : la main sur la poitrine en signe de soumission et de repentir, les bras baissés et croisés de la tristesse et de l’affliction, les bras pendants de l’abandon… Mais d’autres gestes de ce registre sont moins évidents : que signifient les talons rapprochés et les pointes écartées, les mains sur les genoux, les cuisses ou les flancs ?

Viennent ensuite «les gestes de la communication», qui sont des outils de rhétorique au service de l’argumentation et du discours : les mains, le regard et le corps tout entier parlent. Du prédicateur moyenâgeux à l’avocat d’Otto Dix (1925), on repère «les mille et une manières de lever et d’ouvrir la main, de tendre et de fléchir les doigts, de plier et d’étendre le bras devant soi ou sur le côté», pour dire et convaincre. «Les gestes du désespoir» : s’arracher les cheveux, se tordre les mains, les doigts repliés sur les joues…, révèlent des sensations et des sentiments physiques et moraux dont la lecture, codifiée par une longue tradition iconographique, est immédiate.

Après la douleur et l’affliction, Barbara Pasquinelli nous apporte détente et distraction avec «les gestes obscènes», même si grossièreté, drôlerie et dérision cachent souvent des réalités qui n’ont rien de léger. On pense instantanément à Jérôme Bosch. Mais tant d’autres, moins connus, ont excellé dans l’art du corps renversé, des faces grimaçantes et des «cons» et autres parties exposées à la vue. «Les gestes rituels» (contrairement aux précédents qui semblent ne suivre aucune règle d’organisation picturale et qui s’exposent dans un mouvement permanent) sont codifiés et contraints. Ils arrêtent le temps : c’est la main qui bénit, qui prie et qui soigne. Mais ce chapitre ne saurait suffire à l’expression très complexe de la gestuelle liturgique. Aussi l’auteur a-t-elle consacré une ample partie aux mouvements mystiques du corps et de l’âme : de la représentation de la prière à la rhétorique de la stupeur, sans oublier la prosternation, la génuflexion, le vol mystique ou encore les stigmates. L’ouvrage se clôt sur une étude des «expressions du visage» (rire, larmes, colère et expression de la pensée) et de «la physionomie», qui montre combien les artistes sont attentifs à accorder les postures du corps avec les expressions du visage.

La querelle sur la hiérarchie des arts (et des muses) a longtemps perduré : la peinture est-elle inférieure à la poésie, sa sœur, ou son égale ? Une chose est certaine, depuis le Songe de Polyphile (1499), on conçoit d’emblée qu’elles s’inspirent mutuellement. Mais c’est Léonard de Vinci qui exprime sur ce sujet l’opinion la plus concise lorsqu’il caractérise son art de «poésie muette». C’est bien le «verbe» et l’argumentation de l’image, sorte de rhétorique picturale, que Barbara Pasquinelli analyse ici avec talent, à partir de cinq siècles d’art occidental. Elle apporte ainsi à l’étude des arts une vision d’ensemble bien venue. Fort bien conçu, avec des illustrations d’une qualité irréprochable, cet ouvrage est de lecture agréable tout autant qu’instructive.


Rachel Lauthelier-Mourier
( Mis en ligne le 10/05/2006 )
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