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Le Grand Hourloupeur
Marianne Jakobi   Julien Dieudonné   Dubuffet
Perrin 2007 /  27 € - 176.85 ffr. / 610 pages
ISBN : 2-262-02089-2
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Ne comptez pas sur la biographie de Marianne Jakobi et Julien Dieudonné pour racheter Jean Dubuffet de l’exécrable réputation qu’il traîne depuis plus d’un demi siècle. Et c’est tant mieux ! L’héritage complexe que nous a légué cette figure demeure irréductible à la mise en sarcophage, voire en canope ; tout imprégnée d’un anarchisme ultra-individualiste que d’aucuns n’hésitent pas à cataloguer «de droite», son hypertrophie créatrice aux développements incontrôlables et anti-esthétiques en diable constitue l’une des plus audacieuses – et des plus ambiguës – tentatives d’échapper à l’«asphyxiante culture» de la civilisation occidentale.

Les naissances de Dubuffet sont légion. À sa venue au monde havraise en 1901, Jakobi et Dieudonné préfèrent cet automne 1943 où, en pleine effervescence conceptuelle et productive, il se sent prêt à dévoiler ses tableaux et à affronter la critique. On pourrait aussi retenir 1948, année de fondation de la «Compagnie de l’art brut», avec président, trésorier, secrétaire, et tout le toutim. Ou pourquoi pas encore cet été 1962, lors du «plongeon dans [le] fantomatique univers parallèle» de la Grande Hourloupe, cette prolifération de griffonnages, à la pointe bic, en bleu, en blanc, en rouge, mâtinés du trait noir de l’anarchie. Mais en définitive, Dubuffet n’est-il pas né ce 10 mai 1985, à sa table de travail, d’un suicide d’esthète qui accoucha aussitôt d’une stupéfiante mythographie ?

S’il semble à ce point malaisé de définir ce qu’il fut, on sait ce qu’il ne fut pas : «un homme à idéâââââs». Il confesse à ce sujet à Jacques Berne le 6 mai 1948 : «Je peux de moins en moins supporter les idées. Elles me paraissent une excrétion malpropre de l’esprit […] D’où nécessité de se tenir en permanence avec la balayette et la petite pelle à crottin pour tenir les lieux propres de ces idées, faute de quoi ceux qui ne le font diligemment sont très rapidement intoxiqués par les émanations de leurs propres ordures.»

Sur ce terrain, il n’est pas éloigné de l’unique personnage envers lequel il nourrira, jusqu’en ses derniers jours, une déférence aveugle : Céline. Jakobi et Dieudonné accordent un chapitre entier à cette amitié, pas si particulière au fond, si l’on envisage la gémellité de leurs parcours. En outre, l’ouvrage débrouille avec brio quelques nœuds gordiens d’un destin tourmenté (la querelle avec Gombrowicz, les rapports presque honteux de Dubuffet avec le Collège de Pataphysique, son attitude déroutante en mai 68 ou ses démêlés juridiques avec la Régie Renault), tout en adoptant un parti pris de modestie et de simplicité qui facilite la rencontre – pas vraiment gagnée d’avance ! – avec un tempérament volcanique.

On ne peut que témoigner d’une juste gratitude envers Marianne Jakobi et Julien Dieudonné qui ont relevé le défi d’explorer les recoins d’une œuvre-vie sans les éblouir d’une lumière trop crue. En cela, ils se sont faits les bio-galeristes émérites (et pionniers) d’un énergumène qui n’en méritait pas moins.


Frédéric Saenen
( Mis en ligne le 26/03/2007 )
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