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| Johann-Wolfgang von Goethe Faust Diane de Selliers - La Petite collection 2011 / 50 € - 327.5 ffr. / 292 pages ISBN : 978-2-903656-80-5 FORMAT : 19,4cm x 25,8cm
Traduction de Gérard de Nerval
Illustration d'Eugène Delacroix Imprimer
Diane de Selliers nous offre ici une superbe présentation du seul grand mythe moderne, avec Don Juan, quait produit la pensée occidentale depuis la Renaissance. Elle poursuit ainsi son entreprise commencée il y a une vingtaine dannées de nous donner les plus grands textes de la littérature mondiale, accompagnés dune illustration originale de grands artistes, le tout dans une édition non seulement très soignée mais aussi stimulante pour lesprit.
Le présent ouvrage ne déroge point à la règle ainsi posée puisque le chef duvre de Goethe retrouve les lithographies du jeune Delacroix données dans lédition rarissime de Motte publiée à Paris en 1828. Il les retrouve - belle attention à la volonté de leur auteur - groupées en cahier, ainsi que Delacroix lavait souhaité, et non dispersées au fil du texte, ce dernier étant cependant largement illustré par les dessins, aquarelles et lavis préparatoires de lartiste, sans compter les tableaux qui lui ont été inspirés par le mythe. Raffinement supplémentaire, les reproductions des lithographies sont prises sur lexemplaire personnel de lartiste, conservé dans son musée atelier de la place de Fürstenberg à Paris, dont la conservatrice honoraire signe la préface érudite à louvrage. Le texte ne déroge pas à la qualité de lillustration puisque la traduction choisie ici nest pas celle que Delacroix accompagnait mais celle de Gérard de Nerval, contemporaine, mais plus libre, plus poétique, à la fois en vers et en prose.
Lauteur de ces lignes pourrait-il porter sur luvre du peintre et du poète ainsi réunis un jugement plus sévère que celui de Goethe lui-même ? Car nous avons cette chance quil ait confié à Eckermann toute lestime quil portait à lun comme à lautre. La traduction de Nerval, faite denthousiasme à dix-neuf ans, ravit en effet Goethe qui affirma à sa lecture : «Tout reprend fraîcheur, nouveauté et esprit». Cest aussi cette traduction qui sut inspirer Gounod. Sur Delacroix, il suffira de rappeler ces mots du maître de Weimar : «La puissante imagination de cet artiste nous oblige à repenser les situations aussi parfaitement quil les a pensées lui-même. Et, si je dois avouer que dans ces scènes, M. Delacroix a surpassé ma propre vision, combien, à plus forte raison, les lecteurs trouveront tout cela vivant et supérieur à ce quils se figuraient», ajoutant : «Les Français lui reprochent sa fougue, mais ici, elle est parfaitement à sa place». Ce jugement est particulièrement pertinent si lon se souvient que Delacroix a interprété le texte, modifié limportance relative des protagonistes et «décentré» lattention du lecteur de Faust vers Méphistophélès et ceci dès la première planche où lon voit ce dernier voler au-dessus de la ville plongée dans lobscurité.
A lépoque, cependant, il faut bien dire que laccueil en France avait été plus réservé quà Weimar. Les critiques accompagnant la parution des lithographies en 1828 émanaient des mêmes milieux académiques qui sopposèrent peu après au Cromwell de Victor Hugo. Aujourdhui, si cette pièce est oubliée, à lexception de sa préface considérée comme le manifeste du romantisme naissant, luvre de Delacroix mérite dêtre revisitée et appréciée. La présente édition, qui la reprend à lidentique, mais dans une présentation plus accessible que lédition originale de luxe de 1997, nous en offre une superbe occasion. Ceci dautant plus que léditeur a convaincu Michel Butor de donner un prolongement intelligent au premier Faust de Goethe que nous venons dévoquer : sous le titre «Impressions diaboliques accompagnées de dix-sept lithographies imaginaires pour le second Faust», lauteur de La Modification tente une «illustration» littéraire de scènes issues du second Faust, uvre posthume de Goethe. Attend-il, lui qui a délaissé le roman de longue date pour se consacrer aux arts plastiques, le nouveau Delacroix qui mettrait en images contemporaines sa rêverie faustienne ?
Au-delà du plaisir de découvrir ou retrouver un des plus grands textes de la littérature européenne dans un superbe écrin, on appréciera donc cette postface insolite qui ouvre les horizons au moment où lon va fermer un livre qui pourtant se suffit à lui-même. Cest peut-être là aussi ce qui fait recommander louvrage comme un exemple parfait de ce quun travail dédition intelligent et ambitieux peut apporter au lecteur.
Jean-Etienne Caire ( Mis en ligne le 28/03/2011 ) Imprimer | | |
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