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Chefs-d'oeuvre pour amateurs éclairés | | | collectif Montagnes célestes - Trésors des musées de Chine RMN 2004 / 49 € - 320.95 ffr. / 324 pages ISBN : 2711847705 FORMAT : 23 x 31 cm Imprimer
La façon toute extrême-orientale d'apprécier la nature se nomme Chenhuai Guandao, ce qui signifie littéralement « se libérer de tous les regrets, mécontentements, insatisfactions dus à l'attachement au pouvoir et à la gloire passée qui bloquent le cur et l'esprit ». Voilà létat desprit dans lequel vous devriez vous trouver pour apprécier à sa juste valeur une peinture de paysage chinoise. De plus, « la peinture de paysage dans la tradition picturale ancienne chinoise recouvre une signification spirituelle, philosophique, dépassant largement l'aspect figuratif des motifs représentés ». C'est ainsi que Yu Hui, du musée du Palais de Beijing, annonce la richesse et la complexité de la peinture chinoise, dont l'exposition Montagnes célestes. Trésors des musées de Chine qui vient de sachever au Grand Palais à Paris offrait une lumineuse illustration.
Réunissant de véritables chefs-d'uvre rarement présentés au public occidental, cette exposition illustrait le noble thème de la peinture shanshui shi, « de montagnes et d'eau ». Les peintures chinoises ont la particularité d'être des paysages totalement imaginaires, constitués à partir des impressions, réflexions, sentiments du peintre. Ainsi, le peintre se livre, met ses états dâme sur le papier et cest ce qui constitue la valeur dun artiste.
Le catalogue de l'exposition présente de magnifiques reproductions de ces peintures avec pour chacune un bref texte explicatif. Versants escarpés, réunions dermites au cur de la forêt, bambous sous le vent, cest un florilège fascinant des uvres des plus grands peintres chinois. Cependant, il est estimé que chaque lecteur, chaque visiteur curieux qui osera ouvrir cet imposant ouvrage, connaît les subtilités de la polysémie de la peinture chinoise. On regrette de ne trouver nulle part dans ce catalogue une explication limpide qui pourrait servir aux non-initiés. Ici, tout est érudit, poésie souvent sibylline, à l'image de nombreux textes qui jalonnent l'exposition. En feuilletant ce catalogue, on se demande subitement quel est lintérêt, voire le propos dun catalogue dexposition. Nest-ce pas de former sur le papier une exposition consultable à tous moments, de reformuler le cheminement de la pensée des commissaires dexposition, voire de prolonger la visite ? Ici, certes, on reprend la visite, mais cest une visite pour visiteurs confirmés, un catalogue scientifique pour scientifiques.
En revanche pour les amateurs éclairés, ce catalogue est un complément idéal et enrichissant. Neuf importants essais déminents sinologues l'introduisent. Avec «Peinture et poésie. Coup d'il sur les inscriptions des peintures», Jean-Pierre Diény apporte un éclairage original et passionnant sur la peinture chinoise, en mettant en valeur la «symbiose du texte et de l'image». Les colophons et vers inscrits sur la peinture même demeurent des éléments étranges, des stigmates qui surprennent les Occidentaux. Il sagit en réalité dhommages polis au peintre, denrichissements poétiques du tableau, damplifications de la description
; ils ont été écrits par un lettré, un collectionneur qui a admiré le tableau ou par le peintre lui-même. Ces vers sont toujours un enrichissement de la peinture, la mettent en valeur par un écrin de mots. Texte et image sinterpénètrent pour sembellir lun lautre et prolonger linstant céleste. Au soleil du soir nombre de sommets reculent, / Douce m'envahit la nostalgie du Jiangnan. / Derrière la brume une cloche retentit / Retour à son temple d'un montagnard solitaire.
Noémie Wansart ( Mis en ligne le 28/07/2004 ) Imprimer | | |
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