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| Philippe Bouchet Collectif Edouard Pignon - Du rythme entre les choses Somogy 2005 / 35 € - 229.25 ffr. / 238 pages ISBN : 2-85056-898-8 FORMAT : 24,5cm x 29,0cm
Catalogue dune exposition présentée aux Musées dIssoudun du 30 juin au 9 octobre 2005, de Céret du 29 octobre au 29 janvier 2006 et de Roubaix du 3 mars au 28 mai 2006.
L'auteur du compte rendu : Béatrice Brengues a une formation d'historienne de l'art, elle s'intéresse aux arts décoratifs du XXe siècle et poursuit des recherches sur le sculpteur Joachim Costa. Elle travaille parallèlement à Drouot chez un commissaire priseur. Imprimer
Cocorico ! Voilà, en couverture du livre, un coq qui na rien à craindre de la grippe aviaire ! Ce coq tonitruent, sujet fétiche de lartiste en souvenir des combats de coqs de son Nord natal, témoigne fièrement de lintrusion du peintre Edouard Pignon dans le champs des arts décoratifs. Une production méconnue doù se dégage lénergie renaissante des années 50.
Une telle démarche était plutôt courante dans laprès-guerre. En effet, la politique de valorisation des métiers dart menée pendant lOccupation contribuait à léclosion de centres de production nouveaux où de nombreux artistes fuyant Paris se lançaient dans la céramique comme à Vallauris, ou pratiquaient la tapisserie comme à Aubusson
Dans les années 50, ils arrivaient alors à maturité et une véritable dynamique agitaient les arts appliqués. Que Pignon est été happé par ce mouvement na rien détonnant. Dabord parce quil faisait partie des proches de Picasso, installé dans ces années là à la poterie Madoura de Vallauris saluons au passage la réédition chez 10/18 de Vivre avec Picasso de Françoise Gilot sur cette période-, et quil lui était difficile de résister à ses nombreuses sollicitations. De plus, Pignon arrivait à un tournant de sa carrière, il devait passer du jeune peintre prometteur du groupe de la «Jeune peinture de tradition française» au grand peintre figuratif de laprès-guerre tel quon le regarde aujourdhui. La pratique de la céramique est pour lui un moment de ressourcement intellectuel et la confrontation avec cette technique nouvelle et ardue lancre à ce point dans le réel quil nest pas tenté par les sirènes de labstraction qui font chavirer la peinture occidentale dans un nouvel académisme. Enfin, pour ce communiste de toujours, la poterie est le moyen de concrétiser son imaginaire social en conciliant le statut dartiste et celui douvrier.
Pignon crée à Vallauris plusieurs centaines de pièces céramiques au sein de latelier de Blaise Aïello, de 1951 à 1954. Ses uvres sont pour la plupart des pièces de formes de grand format où se développe son goût pour la peinture de sujet. Il décline ses thèmes favoris, si personnels quils sont comme autant de signatures : les mineurs, les coqs, lhomme à lenfant, Ostende
Les auteurs sont si attachés à nous prouver la qualité de luvre céramique de Pignon quils sobstinent à nous montrer combien il est différent de Picasso. Un point de vue difficile à défendre puisque cest avant tout leur proximité qui saute aux yeux ! Même Anne Lajoix, qui inventait dans le livre LAge dor de Vallauris une école de Vallauris couvée par lesprit picassien, essaie ici de nous convaincre (vainement ?) que ses assemblages de formes comme sa palette ou ses figures sont originales. Et certes, on ne doute pas de la singularité et de la sincérité de lartiste, mais lintérêt nétait-il pas de pousser la confrontation et révéler un élan commun ? A la place, on nous sert des céramiques étrusques étudiées par le peintre lors dune visite au Louvre
Ou comment la politique de prêt à tout-va dun musée -le Louvre- interfère sur léclairage dun uvre
Si cet épisode créatif a longtemps été passé sous silence, cétait semble-t-il à la volonté du peintre. Plus tard, il revient à cette technique car il apparaît que cette ballade vallaurienne donne à Pignon le goût des arts feu. Il élabore dans les années 60 et 70 des céramiques monumentales murales ou sculpturales avec laide du céramiste Michel Rivière. Il continue à représenter les thèmes qui lui sont chers, laissant libre court à ses talents de coloriste jusquà la débauche dans le contraste et la saturation des couleurs.
La dernière partie du livre est consacrée à lactivité de décorateur de théâtre au côté de Jean Vilar de 1948 à 1959. Il dessine ambiances et costumes qui sont rendus à partir de photos dépoque et détudes gouachées. On découvre un artiste féru de théâtre, engagé dans des projets davant-garde et convaincu de la perméabilité entre les arts. Pignon, fidèle à la peinture, fidèle à ses idées, toujours attaché à la figuration, pourrait être une incarnation de constance. Et pourtant, on le surprend là passionné par des amours volages
mais qui nont rien de coupables ! En effet avec la céramique et le décor de théâtre, Edouard Pignon soffre une récréation génératrice de liberté et livre des uvres dune grande fraîcheur, que ce catalogue présente avec une simplicité moderne et claire.
Béatrice Brengues ( Mis en ligne le 24/04/2006 ) Imprimer
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