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Aux origines de la culture albigeoise
Matthieu Desachy    Collectif   Le Scriptorium d'Albi - Les manuscrits de la cathédrale Sainte-Cécile (VIIe-XIIe siècles)
Rouergue - Trésors écrits albigeois 2007 /  40 € - 262 ffr. / 174 pages
ISBN : 978-2-84156-887-1
FORMAT : 24,0cm x 27,0cm

L'auteur du compte rendu : Archiviste paléographe, Rémi Mathis est conservateur stagiaire des bibliothèques, en formation à l’ENSSIB. Il prépare une thèse de doctorat sur Simon Arnauld de Pomponne à l’Université de Paris-Sorbonne, sous la direction de L. Bély.
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Relativement récente, la notion de patrimoine écrit est encore peu diffusée dans la société. Il faut reconnaître que la mise en valeur de ce patrimoine à destination d’un large public n’est guère aisée. Alors qu’un tableau ou une œuvre d’art graphique s’offrent immédiatement à la contemplation, la consultation d’un livre se situe forcément dans le temps long, il est dommage de réduire l’intérêt d’un ouvrage à une double page – même bien choisie – et encore cette double page n’aura-t-elle pas toujours de quoi retenir l’œil du simple curieux.

Le défi peut cependant être relevé et le public peut prendre l’habitude d’aller voir des expositions patrimoniales en bibliothèque, à condition que les sujets soient bien choisis. La politique de la bibliothèque d’Albi est à cet égard très intéressante. Sont en effet présentées à la médiathèque Pierre-Amalric des expositions qui mettent en valeur ses très riches collections, qui sont directement en prise avec l’histoire locale et qui présentent un véritable intérêt scientifique, encore rehaussé par la publication d’un catalogue de qualité.

Ces expositions rencontrent ainsi un franc succès. Ce fut le cas de celle consacrée il y a deux ans aux incunables albigeois – la préfecture du Tarn a été la troisième ville française à voir imprimer un livre sur son sol – ce qui avait donné lieu à la publication d’un premier catalogue aux éditions du Rouergue. Matthieu Desachy, directeur des bibliothèques d’Albi et responsable du fonds ancien, renouvelle aujourd’hui l’expérience avec une exposition consacrée aux manuscrits issus du scriptorium – c'est-à-dire de l’atelier de copie – de la cathédrale Sainte-Cécile d’Albi, entre le VIIe et le XIIe siècles.

Environ trente-cinq manuscrits sont présentés et regroupés en quatre chapitres, chacun introduit par un spécialiste. La première partie est consacrée à la naissance du scriptorium et à son développement à l’époque carolingienne. Albi est en effet une ville relativement récente, sans aucune importance sous l’occupation romaine. Elle constitue en revanche un centre intellectuel important sous les Carolingiens : les manuscrits en constituent un témoin privilégié, ce qui est plutôt rare dans le sud de la France. Dans cette époque d’organisation et de réforme de l’Église, encouragée par le lointain pouvoir royal, les règles de vie, les recueils de décisions conciliaires, les «manuels» se diffusent, ainsi que les ouvrages en rapport avec l’enseignement. La seconde partie est consacrée aux notations musicales, souvent de types aquitaines. Albi conserve ainsi un des premiers témoins de ces notations (ms 44), support du chant liturgique qui venait d’être réformé.

L’école d’enluminure ornementale qui s’épanouit au tournant du XIIe siècle, liée à la figure de Sicard, fait l’objet de la troisième section. Bien qu’en relation avec d’importants centres de production de manuscrits (Limoges, Moissac), Albi – au sein du courant aquitain – conserve une spécificité dans le tracé et la décoration des initiales décorées. Cet âge d’or du scriptorium albigeois est marqué par la production de manuscrits qui figurent sans doute parmi les plus spectaculaires de l’exposition par leurs coloris francs et la fine complexité de leurs décors de rinceaux. Enfin, dans une quatrième partie un peu en marge de la chronologie de l’exposition, une attention particulière est prêtée aux documents écrits relatifs aux pratiques funéraires, jusqu’à l’époque moderne : nous avons la chance de conserver quatre des sept manuscrits nécrologiques de la cathédrale d’Albi, du Moyen Âge au XVIIe siècle, ce qui est exceptionnel dans le sud de la France. Ces documents sont donc des sources de première importance pour l’étude sociale du chapitre d’Albi mais également de ces relations avec d’autres institutions et avec le pouvoir temporel.

Ces manuscrits de haute époque ne sont sans doute pas les plus spectaculaires. Le grand public habitué à identifier manuscrits médiévaux et enluminures pourra s’étonner – en dehors de quelques exemples ponctuels – du peu de brillant des documents de la pratique. La réussite de ce catalogue est précisément de mettre en valeur l’intérêt de ces documents par des notices qui sont à la fois d’un très bon niveau scientifique et accessibles au plus grand nombre. Les superbes illustrations (pour partie documentaires et pour partie artistiques) en font un objet à la consultation agréable. C’est à peine si l’on pourra regretter l’absence d’une introduction qui précise plus clairement les choix effectués (le sous-titre est sans doute plus précis que le titre de l’ouvrage : la plupart des manuscrits proviennent bien de la bibliothèque de la cathédrale Sainte-Cécile mais ils n’ont pas forcément été produits sur place) et surtout d’un lexique, les lecteurs d’un livre susceptible d’intéresser un cercle bien plus large que les spécialistes ignorant la plupart du temps – et on le comprend – la différence entre un tropaire, un graduel et un antiphonaire.

Il n’en demeure pas moins que, parfaitement intégrée à la politique de la bibliothèque – et au-delà à la politique municipale – les expositions de la bibliothèque Pierre-Amalric sont des modèles du genre. Par leur important travail scientifique, leur vulgarisation intelligente, le lien avec l’histoire locale – sans pour autant donner dans le localisme ou l’anecdotique –, elles mettent en valeur les très riches fonds de l’institution et les font connaître au plus large public. Ce catalogue en est sans doute le meilleur reflet et demeurera longtemps une contribution importante à la connaissance de ces centres intellectuels secondaires du Moyen Âge.


Rémi Mathis
( Mis en ligne le 20/12/2007 )
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