Dominique Lesbros Paris promenades au bord de l’eau Parigramme 2015 / 19.90 € - 130.35 ffr. / 251 pages ISBN : 978-2-84096-911-2 FORMAT : 14,0 cm × 21,0 cm
12 itinéraires de charme le long de la Seine et des canaux Imprimer
Un livre original sur Paris, ce qui est un tour de force tant la ville suscite de production éditoriale. Dominique Lesbros, qui a toujours un regard inattendu sur une ville quelle connaît parfaitement (elle a publié entre autres Curiosités de Paris, Paris, immeubles insolites...), promène ses lecteurs le long du fleuve.
La Seine aurait pu et peut-être dû sappeler lYonne puisque la règle veut que «quand deux cours deau se rejoignent, celui qui possède le débit le plus important donne son nom au flux commun qui coule en aval». Mais dans le cas de la Seine on a choisi dappliquer «une autre règle toponymique qui veut quun fleuve porte le nom de sa section la plus longue(
)». Et cest ainsi que «sous le pont Mirabeau coule la Seine».
Douze itinéraires courts en distance (1,4 km, 3 kms, 2 kms
) mais riches en surprises sont proposés. A suivre l'auteur, on découvre des paysages, des points de vue, et toute lhistoire de la ville ressuscite à partir de détails minuscules. On découvre ce que signifient ces lettres et chiffres : PK169 : le point kilométrique 169 au Pont de la Tournelle (depuis le point zéro à Marcilly-sur-Seine). Nouveau kilomètre zéro au Pont Marie, dont le terme se trouve au Havre : PK365
En fin douvrage, Dominique Lebros a réuni tous les panneaux de signalisation fluviale que rencontrera le promeneur, ainsi quun «Petit lexique à lusage du flâneur fluvial».
Sait-on que dans la Seine, en pleine ville, vit lunique espèce de méduse deau douce de France et lune des deux espèces déponges deau douce observée dans notre pays ? Se souvient-on que le fleuve fut longtemps apprécié des baigneurs ? Vers 1780, il y avait même un établissement de bains qui proposait aux clients de s'installer dans une baignoire percée (il y en avait 22 en tout), sur un ponton flottant près du pont de la Tournelle, et de se laisser masser par le courant. Plus tard viendront les bains Deligny.
On passe dune rive à lautre, on se souvient de lépoque où les ponts croulaient sous les maisons installées sur leur tablier, de lépoque où, pour les traverser, il fallait acquitter un péage, particulièrement cher dans le cas du Pont au double ! La Seine, autrefois, était sillonnée de bateaux de transport de voyageurs, et le coche deau qui menait à Corbeil, particulièrement lent et souvent en retard, se nommait «corbillat», terme qui donna plus tard corbillard pour désigner les grands carrosses transportant les défunts qui avançaient à une lenteur majestueuse.
En passant sur le pont du Carrousel, que le flâneur prête une attention particulière aux quatre candélabres Art déco qui lornent : commandés à la veille de la Seconde Guerre mondiale au ferronnier dart Raymond Subes, celui-ci cacha sa matière première dans un évidement ménagé dans la culée du pont pour éviter de la remettre aux autorités lors des réquisitions. Les 20 tonnes de cuivre et les 40 tonnes dacier, devenues invisibles, furent transformées de façon clandestine, et à la Libération les candélabres purent être installés.
Savez-vous aussi doù vient le nom dîle aux Cygnes ? De quarante cygnes achetés au Danemark par Louis XIV et 1676, quil fallut protéger contre le braconnage intensif dont ils firent lobjet. L'île fut agrandie à la fin du XVIIIe siècle avec des comblements pour donner lespace actuel. Les Parisiens peuvent recevoir une «douche sonore» sous le pont de la Concorde, contempler le Thalassa, quai de Javel, et rêver aux aventures lointaines. Péniches à quai, péniches dhabitation, péniches de distraction, restaurants et autres Batofar. Les quais peuvent aussi se transformer en espace dart contemporain avec les sculptures du jardin Tino Rossi. La tendance actuelle est den faire des lieux de vie, de bals populaires, de loisirs ; on peut louer, quai Anatole France, pour une heure et demie, les gros cubes containers Zzz pour pique niquer, jouer aux boules, etc. Les voitures sont priées de déguerpir de cet espace
Un livre riche en surprises, à utiliser pour ses promenades, mais qui permet aussi de rêver chez soi, et de flâner immobile le long du fleuve dont lhistoire se confond avec celle de la ville. Une riche iconographie composée, pour leur très grande majorité, des photos de Dominique Lesbros, à quelques exceptions près. Deux regrets mineurs : labondance de photos entraîne nécessairement des formats petits
et par ailleurs peu de documents anciens, mais après tout cest bien le regard du flâneur contemporain qui redonne vie à la ville millénaire
Pour les amoureux de Paris, et les simples curieux
Marie-Paule Caire ( Mis en ligne le 02/11/2015 ) Imprimer |