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| Poches -> Littérature |
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Légères et délicates absurdités entre amis | | | Haruki Murakami Saules aveugles, femme endormie
10/18 - Domaine étranger 2010 / 8,60 € - 56.33 ffr. / 503 pages
ISBN : 978-2-264-04474-7
FORMAT : 11cmx18cm
Première publication française en septembre 2008 (Belfond).
Traduction d'Hélène Morita.
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Grand nom de la littérature japonaise et même mondiale, dès lors qu'il a été régulièrement pressenti pour le Prix Nobel, Haruki Murakami propose avec Saules aveugles, femme endormie un recueil composé de vingt-trois nouvelles plus ou moins longues, à la tonalité indéfinissable quoiqu'indéniablement spécifique.
Pour cet ouvrage, il a choisi de multiplier des points de vue en adoptant tantôt la perspective d'un narrateur adolescent, tantôt celle d'une narratrice d'âge plus mûr, tantôt celle d'une paire d'amis au seuil de la trentaine ; et bien d'autres encore. Sans que les personnages ne se ressemblent beaucoup d'un texte à l'autre, ils ont un air de famille peut-être dû à l'importance qu'ils attachent à des détails dont on saisit mal la raison pour laquelle ils nous sont racontés. De fait, il est plus raisonnable de renoncer à s'accrocher aux bribes de logique dont le texte est parsemé ; car l'art avec lequel Haruki Murakami laisse glisser sans un mot d'avertissement la narration dans l'absurde, quitte à l'en faire resurgir un paragraphe ou quelques pages plus tard, ne rend que plus vaines les tentatives d'explications de texte. Concluant Un récit folklorique de notre temps : la préhistoire du capitalisme à son stade ultime, il soupire d'ailleurs : «Comme je l'ai noté au début, je ne pense pas que l'on puisse tirer de ce récit une morale ou une leçon. Mais cette histoire, c'est vraiment celle de sa vie».
Pourtant, si le fond donne l'impression d'être constitué de petits éclats d'existences en berne qu'un collectionneur soigneux aurait tenté de faire coïncider selon un schéma organisateur qui nous échappe, la forme tire pour sa part vers une artificialité assumée. Bien souvent, un auteur nous touche parce que ses mots recréent exactement une sensation, un instant de pur vécu ; ici, les descriptions les plus marquantes sont celles qui mettent en scène des suites de métaphores parfaitement poétiques et parfaitement inattendues. Pour le reste, l'écriture est sobre et ne craint pas la linéarité d'une narration assez dépourvue d'émotion. En combinant ces deux aspects naturel sans effets du récit et constructions littéraires libérées des exigences du réel l'auteur crée une langue capable de compenser la banalité qui affleure parfois derrière ses propos.
Histoires d'amour sur lesquelles on revient des années après, liens familiaux distendus, expériences paranormales, frustration quotidienne et confort vide, les thèmes évoqués ne sont en effet pas des plus originaux pour un auteur de nouvelles. Mais leur fin abrupte est différente de celle qui clôt une nouvelle de Maupassant, par exemple : il ne s'agit pas d'un ultime retournement ironique et grinçant de l'histoire, mais d'une rupture soudaine du fil autour duquel était développée l'intrigue. Le manque introduit par la chute du récit pousse immanquablement le lecteur à chercher un sens à ces contes dont on réalise alors qu'on ne les avait pas compris.
On peut donc parler d'une utilisation audacieuse et intelligente du format de la nouvelle, conjuguée à une fantaisie apte à désarçonner le lecteur et soutenir son attention ; assurément, ce recueil ne plaira pas à tout le monde et, pourtant, on ne pourrait sans mentir le qualifier d'inintéressant.
Aurore Lesage
( Mis en ligne le 19/03/2010 )
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