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Les voix du 9-3
Faïza Guène   Les Gens du Balto
Le Livre de Poche 2010 /  5,50 € - 36.03 ffr. / 153 pages
ISBN : 978-2-253-12908-0
FORMAT : 11cmx18cm

Première publication en août 2008 (Hachette Littératures)
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Pour son troisième roman, la jeune romancière Faïza Guène a encore choisi la première personne sans qu’il n’y ait rien de vraiment autobiographique ici. Un Je accompagné d'une série de personnages, les gens du Balto, un PMU de région parisienne, au bout d'une ligne de RER. Chacun s'exprime à tour de rôle, le temps d'un chapitre. Et cette valse des énonciations revient régulièrement aux personnages principaux, laissant place épisodiquement à une figure nouvelle ou secondaire.

Tel appareil permet non seulement le jeu de regards croisés sur un même incident ou telle conversation mais aussi le développement d'une certaine complexité dans les caractères, en peu de mots, par couches successives. Quant à l’histoire – car il y en a une -, elle commence dans l’amour et la haine, les illusions et les désillusions de la vie, les petits tracas du quotidien ; tout cela culmine dans un grand fait divers autour duquel les récits des personnages se muent en témoignages reçus lors des interpellations policières. Il y a une bonne technicité dans cette élaboration, et même de l'art.

Avec ses deux premières publications, Faïza Guène a été élevée en véritable phénomène socio-littéraire, une jeune fille issue de l'immigration sachant écrire et en même temps transcrire les voix du "neuf trois", créant ainsi des objets littéraires capables d'attirer un public nouveau : les jeunes des banlieues. Si le premier roman (Kif kif demain) en restait plus ou moins là, dès le deuxième livre (Du rêve pour les oufs), un lecteur attentif pouvait soupçonner Guène de se cacher derrière cette construction du marketing éditorial, et de préparer tranquillement son programme : se maintenir en tête d’affiche, porte-parole d’une culture des banlieues soumise à toutes les récupérations.

En fait, le programme est un défi, un défi d'écriture dont l'intérêt dépasse largement les curiosités exotiques relayées dans la vulgate des paumés ; la littérature quoi. Pour Guène, l’enjeu consiste à opérer ce dépassement tout en restant dans la bouche, pour ainsi dire, des gens du coin. Un œuvre proprement littéraire peut-elle se construire avec de tels matériaux ? Après tout, la littérature c'est de l'écrit, pas de la parlotte, et dans ce monde-là, les gens de Guène causent mal la France. Du point de vue académique, en tout cas.

Jeune elle est, mais pas impatiente. Un œuvre, un programme, ça se construit pièce par pièce, et après avoir démoli l'idée que la banlieue est un désert littéraire (Kif kif demain), après avoir répondu avec le deuxième roman aux critiques du genre «c'est mignon mais sans issue», avec ce livre-ci, Guène montre qu'elle est capable de capter plus qu'une voix, et que ces voix de déshérités, allant des jeunes pré-cyniques aux vieux désabusés, peuvent fournir la matière d'une vraie littérature, dans le fond comme la forme : faire parler les gens du Balto.

Chez Guène, le sens de l'humour fonctionne dès les premières pages, véritable colonne sèche de l'oeuvre, acheminant l'électricité à tous les étages. Ce talent, jumelé à l'oeil malicieux d'une grande observatrice, rend compte de sa vocation d'écrivain. Avec Les Gens du Balto, elle assoit cette vocation, décrivant toute une galerie de personnages, créant un vrai suspense, maîtrisant la narration complexe d’une histoire qui montre les tensions entre des êtres humains face aux aléas de la vie, et allant même jusqu'à la tragédie, une tragédie sans doute encore incompréhensible à tout bien-penseur républicain.

Bref, Faïza Guène poursuit la construction de sa comédie humaine, pierre par pierre, en écoutant, en faisant parler. Certes il reste des choses à faire. Malgré quelques touches d'une poésie certaine, tout ou presque dans ces romans est laid, monochrome, révoltant, ce qui va un peu à l’encontre de son message sur le bouillonnement de la vie, et de la culture. Elle le dit mais peut-être n'ose-t-elle pas trop le montrer ? Lors de son passage sur les plateaux au moment de la sortie de son précédent roman, Du rêve pour les oufs, elle soulignait qu’elle habitait toujours avec ses parents... Pourquoi ? Car elle s'y plaît. Son lecteur la croit, la comprend peut-être même, mais il voudrait bien voir, entendre, toucher et goûter ce plaisir, cette vie-là. Peut-être dans le prochain roman de Faïza Guène ?...


Timothy Carlson
( Mis en ligne le 29/03/2010 )
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