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Poches -> Littérature |
| Philippe Labro Les Gens Gallimard - Folio 2010 / 6.60 € - 43.23 ffr. / 413 pages ISBN : 978-2-07-042142-8 FORMAT : 11cm x 18cm
Première publication en février 2009 (Gallimard - Blanche) Imprimer
Dans les vineyards de Nappa Valley, une jeune Américaine dascendance polonaise, Maria, est jetée dun camion par deux chicanos plus que rustres. À Paris, Marcus Marcus, un animateur télé, lui, plus que vedette, hurle à la mort en découvrant les premières traces de sa calvitie. À quelques avenues de là, Caroline, jeune femme de cinéma, apprend de son amant quil la quitte pour sa femme, «LEgyptienne».
Les trois premiers chapitres du dernier roman de Philippe Labro sont comme trois histoires à part entière. On se demandera même si le quatrième chapitre ne dévoilera pas une nouvelle existence, et autant de chapitres que de tranches de vies contemporaines, aux quatre coins du globe, rassemblées sous ce titre : Les Gens. On aurait alors eu plus un recueil dinstantanés biographiques, de courtes nouvelles, quun roman ; chaque existence y aurait demeuré atomique, irréductible aux autres.
Mais Labro préfère réunir ces itinéraires, tisser une intrigue et ne parler que de ces gens-là, et ceux qui les côtoient : la ménagère désespérée, bourgeoise confite dennui dans sa banlieue chic de San Francisco, avant de finir femme dambassadeur à Paris ; lassistant de production, apparemment propre sur lui mais hanté par un appétit dIznogoud ; la PDG de la chaîne, glaciale et classieuse, comme il se doit ; la jeune réa lesbienne et forte tête ; la coacheuse qui a tout compris à lesprit du temps
Lesprit du temps, justement, que Labro débusque au milieu de ces «gens», au fil des pages de cette sociographie : la solitude de ces gens-là, tous précipités dans le comblement de leur ennui, la consommation de leur temps, lameublement de leur vide
Tristes figures dune «modernité» que lauteur nous dévoile en instituteur du social, moins romancier que maître décole.
Car il a de cela chez Labro, un côté donneur de leçons, prompt à déballer ses aphorismes, maints adages sur qui nous sommes et ce que nous faisons. Dans la prose de Labro, le lecteur nest pas libre : tout est dit, expliqué, chaque histoire à un sens, une vocation à illustrer le CQFD sociologique, du roman social comme on nen fait plus ; social, non au sens militant du terme, mais plutôt dans une tradition socio-littéraire dont de lointains parrains seraient Maurice Barrès, Henry Bordeaux ou Paul Bourget : des histoires sur papier quadrillé où les personnages, aux psychologies et affects peu fouillés, ne sont que les pions incarnant une vision très arrêtée du maelström social.
Avouons notre déception, même si la lecture est plaisante. Déception surtout en repensant à ce premier chapitre, la chute dune jeune femme dans la poussière des vignes californiennes, et laide - gratuite que la Cosette reçoit dun saisonnier latino. Il y avait là matière à faire sourdre une histoire que lon devinait, lumineuse, mais que lauteur a fourvoyée dans son diagnostic social pesant et, même si lintention était très vraisemblablement tout inverse, ennuyeusement parisianiste.
Bruno Portesi ( Mis en ligne le 09/06/2010 ) Imprimer | | |
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