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Ce sont toujours les meilleurs qui s'en vont
Agnès Desarthe   Le Remplaçant
Seuil - Points 2010 /  5 € - 32.75 ffr. / 75 pages
ISBN : 978-2-7578-1943-2
FORMAT : 11cm x 18cm

Première publication en avril 2009 (L'Olivier)
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Peu savent, hormis ses proches, qu'Agnès Desarthe est la petite-fille d'un juif déporté et mort à Auschwitz. Si nous l'ignorions c'est qu'elle n'en avait jamais parlé dans aucun de ses romans. Comme si elle avait repoussé à plus tard ce moment où il lui faudrait à son tour joindre sa voix au concert tragique de ceux qui ont tenté de témoigner sur la Shoah, et à son tour, faire semblant de trouver les mots pour conter l'indiscible.

Jugeant visiblement que le moment était venu, c'est finalement par une pirouette qu'elle évite d'aborder frontalement le sujet : on s'attendait à ce qu'elle évoque celui qu'elle n'a jamais connu, mais c'est l'histoire de son grand-père de substitution, l'homme qu'épousa sa grand-mère devenue veuve, à la fin de la guerre, qui surgit. Un homme tellement à l'opposé du premier mari que sa description permet, en creux, de faire apparaître la figure du disparu : maladroit, brouillon, gauche, autant que l'autre était habile, élégant et brillant ; et surtout rescapé des camps alors que son vrai grand-père y a trouvé la mort.

On pardonne rarement aux survivants : leur présence ramène constamment au pourquoi de l'absence des autres, à la question de l'arbitraire, voire de l'injustice du sort. «Ce sont toujours les meilleurs qui s'en vont», dit le dicton : en tout cas, Boris, Baruch, Bouz ou «Triple B», comme le surnomme gaiement Agnès Desarthe, a assumé toute sa vie ce statut de remplaçant qui ne lui permit jamais d'espérer égaler en amour, estime ou reconnaissance le grand-père martyr. Or c'est pourtant Triple B qui en offrant spontanément sa tendresse aux enfants de sa femme, puis à ses petits-enfants, a endossé le rôle du père et du grand-père, sans jamais rien demander en échange. Et pour Agnès Desarthes, rien qu'à ce titre, il mérite autant que d'autres que l'Histoire lui rende les honneurs.

Autant qu'à cet autre homme sur lequel elle s'arrête également, un authentique héros cette fois-ci, Janusz Korzack : directeur de l'orphelinat du ghetto de Varsovie, il refusa jusqu'au dernier moment de s'enfuir et fut déporté avec les derniers enfants qu'il protégeait. Par association d'idées, Janusz Korzack fait le lien entre les deux grand-pères en étant, comme le premier, mort à Auschwitz en 1942, et comme le second, en ayant servi de parent de substitution à des centaines d'enfants, acceptant d'être, lui aussi, leur remplaçant.

Ce n'est donc pas une mais trois histoires qu'Agnès Desarthe nous livre en... 75 pages ! Quelques dizaines de feuillets tour à tour drôles et émouvants, qui ne tombent cependant jamais dans le pathos auquel elles auraient pu toutes trois se prêter, et que l'auteur semble fuir à tout prix. Au point, peut-être, comme s'il y avait une résistance, de ne jamais entrer complètement dans le sujet traité : 75 pages, cela reste un peu court. Car si, comme l'écrit Agnès Desarthe, nous dévoilant au passage un pan de son processus d'écriture, «j'écris toujours l'histoire d'à côté, jamais celle que j'avais prévue», encore faudrait-il qu'elle accepte de s'y plonger tout entière : «(...) il semble que tout doive se faire à mon insu, comme pour préserver mon innocence, comme si je me méfiais de moi-même», précise-t-elle un peu plus loin.

On voudrait pourtant qu'elle ne se méfie plus, et qu'elle y aille, qu'elle l'écrive enfin ce roman dont il semble qu'on n'ait ici qu'une ébauche, car ce trop court texte donne envie d'en savoir plus, d'en lire plus, et tant pis si ça nous fait pleurer.


Natacha Milkoff
( Mis en ligne le 20/08/2010 )
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