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Poches -> Littérature |
| Carlos Liscano L'Ecrivain et l'autre 10/18 2011 / 7,50 € - 49.13 ffr. / 211 pages ISBN : 978-2-264-05257-5 FORMAT : 11cmx18cm
Première publication française en janvier 2010 (Belfond)
Traduction de Jean-Marie Saint-Lu. Imprimer
Carlos Liscano est un auteur uruguayen que les lecteurs français ont eu loccasion de découvrir il y cinq ans à loccasion de la parution de La Route dIthaque. Né à Montevideo en 1949, il est devenu écrivain lors de son emprisonnement sous la dictature militaire. 13 années denfermement dans les pires conditions ; lorsquil est libéré en 1985, il part vivre en Suède, pays quil choisit pour recommencer à zéro une autre vie, loin de toute racine, des souvenirs. Sa voix diffère profondément de nombre dauteurs sud-américains dont on a lhabitude en France. Pas de fantastique, ni dimagination débridée, rien de baroque dans cette écriture sèche, presque blanche, ici davantage encore que dans les textes, romans et nouvelles précédents, puisquil est question de limpuissance à écrire.
Une impuissance que Liscano traque dans les nuits dinsomnie, dans les fragments décriture qui constituent ces 89 courts chapitres, de taille inégale. Une impuissance qui pourrait paraître paradoxale puisque justement il est désormais reconnu comme écrivain, et même un écrivain prolifique qui a affronté tous les genres ; et que, outre les reconnaissances de lextérieur, il se sait écrivain avant tout. «Août 2001. Jai cinquante-deux ans. Jai fait de lécriture une chose inséparable de ma vie. En dépit de tous les obstacles Liscano est écrivain et rien dautre. Amours, passions, lectures, tout a fini par se réunir en une seule et unique chose : lécriture».
Au fil des pages, de façon décousue, mais sur ce même thème, Liscano nous livre ses interrogations : «Écrire, cest créer une voix, un style qui donne forme au monde. Un style na pas à être élégant ou cultivé. Il doit être personnel. Voir le monde depuis son propre style est une invention parallèle à celle de lécrivain. Le style et lécrivain sont la même invention. Inventé le style, inventé lécrivain. Même si ça ne suffit pas. Parce que lécrivain est plus que le style».
On retrouve la tentation de lascèse, lexigence absolue de liberté, la solitude qui en est la clé. Un texte intéressant, âpre, un texte nocturne et assez désespéré sur la place de lécrivain dans la cité, qui se termine par la description et lanalyse dun rêve, qui oppose la beauté et la vie : «La tentation est grande de contempler la beauté du chemin et de ne jamais arriver vers «les autres». La contemplation de la beauté conduit à la mort par asphyxie. Ne pas arriver vers «les autres» signifie mourir, mourir privé dair».
Écrire : un chemin vers les autres, même si lécrivain habite la solitude ; écrire : une exigence de survie, la clé de la liberté, mais à la dure contrepartie, langoisse qui étreint lorsque lécriture se tarit.
Un texte âpre, inquiet, qui interroge lénigme de lécrivain.
Marie-Paule Caire ( Mis en ligne le 01/02/2012 ) Imprimer
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