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Les Etats-Unis de Jakob Bronsky
Edgar Hilsenrath   Fuck America
Seuil - Points 2010 /  7 € - 45.85 ffr. / 279 pages
ISBN : 978-2-7578-1802-2
FORMAT : 11cmx18cm

Traduction de Jörg Stickan
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Alors que Le Nazi et le Barbier, hallucinant parcours d'un nazi des camps de la morts à ceux des kibboutz, vient d'être publié en France ce printemps (éditions Attila), un autre roman d'Edgar Hilsenrath, paru l'an dernier chez le même éditeur, sort en format poche au Seuil. Ici, c'est le rêve américain qui en prend pour son grade !

Le titre à lui seul annonce la couleur. Le premier chapitre, farce kafkaïenne mettant en scène, dans les années trente (1938 exactement), les vaines implorations d'un certain Nathan Bronsky devant le consul américain à Berlin, confirme le ton qui parcourra le roman de bout en bout : une attaque à haute teneur en fous rires et grincements de dents contre l'Amérique, sa splendeur de façade, son matérialisme ravageur, mais aussi son idéalisme outré, sa folie en somme. Si les Bronsky n'obtinrent jamais gain de cause, le fils, Jakob, échappera à l'horreur nazie... pour atterrir dans la jungle d'un darwnisme social parmi les plus organisés et les plus aboutis au monde.

Moins que rien, vivant de petits boulots et d'escroqueries bon-enfants, Jakob Bronsky se frotte à l'américanité, et nous en rend un tableau saisissant, sans doute exagéré certes, mais ô combien révélateur, du coup. A la rue, il se concentre sur la rédaction d'un roman, mi-fiction, mi-témoignage, dont il espère tirer fortune. "Où ces gribouillages le mèneront-ils ? A rien, probablement. Que sait-il, Jakob Bronsky, de l'american way of life ? Sait-il, Jakob Bronsky, que seule la réussite compte, et rien d'autre ? Est-ce un mec qui écrase l'autre sans le moindre scrupule tout en croyant au bon Dieu ? Sait-il que notre monde est un monde paradisiaque ? Croit-il, Jakob Bronsky, à l'infaillibilité de notre système ? Connaît-il les idéaux de nos ancêtres, ceux arrivés avec le premier navire, le Mayflower, et que pense-t-il de la culture Coca-Cola ? Croit-il, Jakob Bronsky, au rêve américain ?" (p.100). Pas vraiment. Jakob Bronsky ne croit pas vraiment à cet eldorado, peu aidé en cela, il faut dire...

Le style d'Edgar Hilsenrath est proche de l'uppercut. Mais cette violence, dans l'humour et l'attaque, n'est jamais gratuite ; elle sert à explorer les maux du siècle, que l'auteur a connus. Passé par les ghettos, réfugié finalement aux États-Unis, Hilsenrath a su tirer son épingle des mauvais jeux de l'histoire. Une épingle qui est en fait une plume, véhémente et agile, baignée d'une encre vengeresse et inquisitrice, mais toujours drôle et visant juste. Une œuvre à découvrir.


Thomas Roman
( Mis en ligne le 24/05/2010 )
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