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Poches -> Littérature |
| Thomas Bernhard Mes prix littéraires Gallimard - Folio 2011 / 4.60 € - 30.13 ffr. / 141 pages ISBN : 978-2-07-044385-7 FORMAT : 11cm x 18cm
Première publication en mai 2010 (Gallimard - Du Monde Entier)
Traduction de Daniel Mirsky Imprimer
Neuf électrochocs, ainsi pourrait-on qualifier les courts récits qui émaillent le recueil Mes prix littéraires de Thomas Bernhard. Lénergumène, on le sait, nétait guère tendre envers sa patrie, dont il se plut à dénoncer les travers dans son théâtre et ses uvres en prose. Mais cet inédit est sans doute la plus virulente de ses charges à lencontre du sentiment quil identifiait comme une spécialité nationale : lhypocrisie.
Bernhard fut à maintes reprises distingué au cours de sa carrière (pas moins dune douzaine de fois) et à la faveur de prix importants, représentant des sommes dargent assez substantielles. Quil sagisse de reconnaissances locales, relevant de fonds privés, ou de mises à lhonneur émanant de lÉtat, Bernhard na jamais été dupe du sens à accorder à ces perches que lui tendaient les institutions culturelles. Aussi admet-il crûment que, sil les acceptait, cest parce quelles lui permettaient lachat dune voiture ou des «murs» entre lesquels se terrer définitivement.
Lingratitude de lauteur atteignait, à chaque cérémonie, son comble et flirtait avec linconvenance, dans la mesure où l«heureux récipiendaire» se présentait, face aux édiles qui laccueillaient et à son public, muni dun discours laconique, dune noirceur absolue. Bernhard sattachait à y rappeler à quel point nos existences sont précaires et que la seule vérité en ce bas monde est la mort. Des propos qui dérangeaient les bourgeois et plus encore les politiques, tous sûrs dy être pour mille ans
Le Prix dÉtat autrichien de littérature constitue le meilleur exemple de pantalonnade que notre hypersensible eut à affronter. Suite au speech truffé derreurs du ministre Piffl-Perčević, Bernhard se retrouve «attaché par des lanières invisibles à [son] fauteuil, condamné à limmobilité». Effaré, il entame ce monologue : «[
] toi aussi tu as rejoint cette engeance qui tas toujours fait enrager et à laquelle tu tétais toujours juré de ne pas te mêler». Invité à intervenir après le «dieu nourricier», Bernhard naura pas le temps de conclure, Piffl-Perčević ayant bondi pour linsulter et être à deux doigts de le gifler. Lexplosion que fit la porte claquée par lofficiel quittant lassemblée résonne encore dans ces pages. Une scène mi-cocasse mi-glaçante qui fait désormais partie de ce scandale permanent quest la Littérature
Frédéric Saenen ( Mis en ligne le 29/09/2011 ) Imprimer | | |
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