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Poches -> Littérature |
| Emilie de Turckheim Le Joli mois de mai Le Livre de Poche 2014 / 5.10 € - 33.41 ffr. / 125 pages ISBN : 978-2-253-17756-2 FORMAT : 11,0 cm × 17,8 cm
Première publication en août 2010 (Editions Héloïse d'Ormesson) Imprimer
Bluffant
Ce court roman dEmilie de Turckheim est tout simplement bluffant.
Monsieur Louis, propriétaire dun vaste domaine de chasse où aiment se retrouver ses amis chasseurs, a été retrouvé il y a quelques jours avec une balle dans la gorge. Lhistoire commence quand Aimé et Martial, les deux hommes à tout faire de la maison, reçoivent les cinq héritiers de la propriété, désignés au hasard parmi les clients chasseurs de leur patron. Il y a là un couple plus intéressé par largent que par la tristesse de perdre un ami, un policier à la retraite «qui a tellement lair dun policier que dès quon le voit, on se tient droit sans faire exprès», un homosexuel tenancier dune «maison close», et un mystérieux militaire au nom à consonance chinoise. Tous sont très étonnés dêtre là, mais ne sont pas dévorés de scrupules à lidée dhériter dun homme qui nétait quune lointaine connaissance. Commence alors la longue attente du notaire qui va entériner le mystérieux testament
Les cinq héritiers ont un point commun quAimé, narrateur pas si bête et naïf que ça (Lhistoire commence ainsi : «Mon prénom c'est Aimé. Comme quoi ça veut rien dire. Vous allez voir, je sais pas raconter les histoires»), va nous dévoiler tout au long de lhistoire, à coup danecdotes et de réflexions sur la vie, qui vont construire une trame dramatique vraiment époustouflante. Impossible den dire plus sur lintrigue sans déflorer une part importante de ce qui fait la qualité de ce roman.
Dans les premières pages, on se demande où cette histoire de chasseurs va nous mener ; on se surprend même à être légèrement agacé par lécriture encore un auteur qui veut faire «original» et «authentique» en choisissant comme narrateur un simple desprit, et qui assume ce choix en inventant un style qui ne ressemble à rien, rempli derreurs de français et de naïveté ! Mais cette impression ne dure pas, tant on est emporté par un suspense si subtil. Tout au long du récit, lauteur lâche des indices comme on sème des plantes qui composeront en fleurissant un jardin aux teintes subtiles. Le résultat est captivant, tour à tour drôle, émouvant, faussement candide et réellement cruel.
«Le commandant Lyon-Saëck tape avec son doigt sur la nappe et ça cest grâce à moi et pas grâce à Martial quétait contre lidée dune nappe, mais cest plus accueillant je lui ai dit, et cest exactement pour ça que Martial était contre la nappe, à cause du côté accueillant. Au dernier moment, on a trouvé un compromis et on a mis une nappe sale» / «On sest assis tous les trois dans un silence où tout le monde pleurait, lair de rien, en regardant sur le côté. Si on pleurait, cétait la faute à la chanson. Mais dans la vie, on pleure jamais vraiment pour les raisons quon croit. On pleure à cause de la solitude et de lamour quest pas là comme y faudrait, et toutes les chansons tristes sont bonnes à prendre pour pleurer».
Née en 1980, Émilie de Turckheim publie son premier roman à vingt-quatre ans, Les Amants terrestres (Le Cherche Midi, 2005), puis Chute libre (Éditions le Rocher, 2007). Son expérience de visiteur à la prison de Fresnes lui inspire Les Pendus (Ramsay, 2008).
Michel Pierre ( Mis en ligne le 29/01/2014 ) Imprimer | | |
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