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Poches -> Littérature |
| Richard Russo Les Sortilèges du Cap cod 10/18 - Domaine étranger 2012 / 8,40 € - 55.02 ffr. / 325 pages ISBN : 978-2-264-05349-7 FORMAT : 11cm x 18cm
Première publication française en septembre 2010 (La Table Ronde)
Traduction de Céline Leroy Imprimer
Cest une grosse crise de la cinquantaine bien entamée que dépeint dans Les Sortilèges du cap Cod Richard Russo, prix Pulitzer en 2002 pour Le Déclin de lEmpire Whiting. Connu pour un regard empreint d'une tendresse amusée sur les fragilités humaines, le romancier américain sattaque ici au concept de la filiation et illustre joyeusement lidée selon laquelle pour être heureux il faut savoir accepter son héritage familial tout encombrant quil puisse être émotionnellement.
Cette remise en question sétale sur une année et voit le héros Jack Griffin décortiquer les raisons dune insatisfaction qui le mine peu à peu. Professeur dans une prestigieuse université du Connecticut, marié depuis trente ans et père dune délicieuse jeune fille quil adore, Jack na, à première vue, guère de raisons de se plaindre. Sauf quau début de son mariage, il était scénariste à Los Angeles, carrière quil a abandonnée pour se conformer au souhait de son épouse. Une concession suivie dautres expliquerait-elle que, le temps aidant, son mariage se délite ? Ce serait oublier bien vite le rôle de Bill et Mary, les impossibles parents de Jack, tout aussi envahissants morts que vivants.
De ses souvenirs denfant, Jack retient les étés au cap Cod où ses parents louent une maison chaque année différente - une parenthèse que Bill et Mary veulent enchantée après onze mois dexil dans ce «Midwest de merde» où ils enseignent tous les deux. «À Yale, où ils avaient fait leur doctorat, ils avaient caressé lidée dobtenir des postes de recherche dans lIvy League, en tout cas jusquà ce que le marché des universitaires se déplace dans le Sud et quils soient obligés de prendre ce qui restait
Ils se sentaient trahis
Afin que ces tristes circonstances soient plus tolérables, ils couchaient à droite à gauche et faisaient semblant dêtre profondément blessés quand ces liaisons apparaissaient au grand jour. Son père était un véritable coureur de jupons, tandis que sa mère refusait simplement dêtre à la traîne dans ce domaine comme dans les autres».
Les sortilèges du cap ne parviennent pas à entamer lamertume, légoïsme et le sentiment de supériorité du couple infernal, engagé dans la poursuite dun bonheur inaccessible et illusoire, symbolisée par la recherche estivale dune maison parfaite, lendroit de leurs rêves, dans lequel ils couleraient plus tard des jours heureux et sereins.
Le regard négatif du jeune garçon sur ses parents lamène à rejeter leurs valeurs. Il part étudier à louest, devient à leur grand dam scénariste, «une trahison, un gâchis de ses dons génétiques», et épouse Joy qui na pas fait de thèse (une abomination absolue surtout pour Mary !) et dont la famille aisée et unie se moque éperdument de toute forme de culture, ce qui paradoxalement dérange Jack. Le divorce inévitable de Bill et de Mary se révélera aussi calamiteux que leur mariage, laissant leur fils dans la posture inconfortable du témoin impuissant mais captif, de celui qui se mutile affectivement en croyant détester.
Au début du roman, Jack transporte dans sa voiture les cendres de son père, que viennent rejoindre un an plus tard celles de sa mère. Les disperser lui a semblé impossible. Entre-temps, Joy, lasse de ce cordon ombilical incassable, est partie. Jack accomplira-t-il le geste libérateur et salvateur qui lui permettra de «repartir de zéro» ?
Amusant à lire certes, Les Sortilèges du cap Cod déçoit tout de même par la forme et la qualité de lécriture. Hésitant sans doute trop entre la construction en abîme dune nouvelle qui reste embryonnaire, le campus novel satirique, la farce et le scénario pur, Richard Russo ne donne pas à son roman le souffle et la densité intimiste auxquels il a habitué ses lecteurs. Par contre, vu quà linstar de son personnage, il est également un scénariste talentueux, on imagine aisément quil puisse en tirer un bon film !
Florence Cottin ( Mis en ligne le 11/06/2012 ) Imprimer
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