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Poches -> Littérature |
| Joyce Carol Oates La Fille du fossoyeur Seuil - Points - Signatures 2010 / 13 € - 85.15 ffr. / 688 pages ISBN : 978-2-7578-1214-3 FORMAT : 12cm x 17,8cm
Préface de Véronique Ovaldé.
Traduction de Claude Seban. Imprimer
A la veille de la Seconde Guerre mondiale, une famille débarque aux États-Unis, le père, la mère et deux fils, plus une petite fille qui nait dans le port de New York et est donc américaine, la seule ! Joyce Carol Oates nous entraîne dans lhistoire de cette famille vouée au malheur par lHistoire mais aussi en raison des choix catastrophiques du père. Une figure étrange que celle de ce Jacob Schwart (est-ce son vrai nom ?) qui accepte dans les pires conditions un emploi de fossoyeur dans une petite ville américaine, perdue au milieu de nulle part ; un emploi mal rémunéré, méprisé.
La petite fille, Rébecca, grandit, et cest par elle que nous suivons les destins des différents membres de la famille. Destins tragiques, auxquels seule échappe Rébecca, douée dune force de vie, de survie à tout prix, toujours poussée vers une inexorable fuite en avant. Elle sen tire, par divers moyens, son intelligence mais aussi sa sensibilité et la façon dont elle intègre et interprète les leçons désespérées de son père : «Dans le monde animal les faibles sont vite éliminés», première phrase du livre ! Jacob se veut fort, veut sa famille forte, et pour cela sobstine à ne jamais regarder en arrière, rompant impitoyablement avec le monde quil a fui, tout ce quil a aimé, ce qui lavait construit. Jamais Rébecca noubliera son conseil impérieux : «(
)les faibles sont vite éliminés. Voilà pourquoi tu dois dissimuler ta faiblesse, Rebecca. Il le faut». Toute sa vie Rebecca sera en mouvement et dissimulera sa faiblesse.
Pour lessentiel, le roman est raconté sur le mode du récit à la troisième personne : «Elle nétait pas sa fille. Elle ne lavait jamais été. Elle ne devait rien non plus à sa mère. On ne pouvait discerner aucune ressemblance entre eux. Elle était une femme adulte âgée maintenant de vingt-trois ans, ce quelle trouvait stupéfiant». Rébecca ne fera entendre sa propre voix que tout à la fin, affirmant enfin sa personnalité pleine et entière.
On déflorerait le roman en racontant son intrigue et les péripéties quaffronte lhéroïne. Pour survivre et assurer la réussite de son fils, elle accepte de perdre ses origines, son nom et ce quil signifie, elle prolonge et accomplit ainsi le désengagement identitaire commencé par Jacob, fidèle aux injonctions paternelles tout en les transgressant. Elle a la chance, elle, de rencontrer des Américains, de tous les milieux sociaux, qui lui permettent progressivement déchapper au malheur programmé en souvrant au monde, alors que le choix mortifère de son père était, pour protéger sa famille, de lenfermer en huis clos. Son fils sera américain, pleinement américain, fils à part entière du rêve américain. Cependant, peut-on échapper à ses origines et à ses racines ? Le dernier chapitre, en forme dépilogue, pose la question et y répond.
Un roman épais, bien construit, un peu long par moments (près de 700 pages), dans lequel Joyce Carol Oates reprend ses thèmes habituels sur la société américaine, une héroïne forte, des personnages bien campés, une semi-happy end. Un «vrai» roman.
Marie-Paule Caire ( Mis en ligne le 14/01/2011 ) Imprimer | | |
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