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Poches -> Littérature |
| Jean-Paul Dubois Le Cas Sneijder Seuil - Points 2012 / 6.70 € - 43.89 ffr. / 235 pages ISBN : 978-2-7578-3002-4 FORMAT : 11,1 cm × 18,0 cm
Première publication en octobre 2011 (L'Olivier) Imprimer
On retrouve dans ce récit à la première personne le double littéraire de Jean-Paul Dubois, prénommé Paul, seul survivant dun grave accident : la chute dune cabine dascenseur dans un immeuble de Montréal. Sa fille Marie est morte, ainsi que trois autres personnes. Quand il sort du coma, Paul a perdu le goût de ce quétait sa vie. Sa réalité se décompose. Une sorte dindifférence lucide va tout décaper. Et son regard au laser, désespérément drôle, va tout recomposer, sans toujours sen rendre compte.
Avec sa femme, responsable dun laboratoire de commande vocale, créature «à très haut potentiel» appartenant à ce quelle croit être «une aristocratie post-moderne», monstre defficacité qui lui a interdit damener chez eux Marie, sa fille dun premier mariage. «La lâcheté me fit renoncer au combat
depuis ce temps je sais ce que je vaux». Ses deux fils sont «des clones masculinisés de leur mère». Lui se sent à lécart, sorte de «pourvoyeur génétique affublé dun permis de conduire pour faciliter les transports». Tout cela nous est raconté dans un mélange improbable de comédie et de mélancolie.
En rentrant de lhôpital, Paul sisole, se passionne pour les revues dascenseurs. Il en étudie les moindres rouages («un accident sert aussi à ça. A comprendre lorigine du malheur. A démonter la machine et à la remonter»). On entre avec lui dans cette lucidité folle pour découvrir quils sont la colonne vertébrale de notre monde, et même lélément vital de nos vies. «Lascenseur, instigateur de cet ordre, tenait lieu de pensée unique, de poumon dacier
Lascenseur a fait les tours et créé lagrégat. Il a fait vivre et dormir les hommes les uns au-dessus des autres. Il a fait naître des villes malades. Il a tué ma fille».
Dans ce monde robotisé, peu de gens à qui parler. Paul abandonne son ancien travail et son conformisme marchand pour devenir promeneur de chiens à lagence Dogdogwalk, malgré la colère de sa femme : métier de raté, indigne delle et de son plan de carrière ! Mais il se sent bien avec les chiens, et eux avec lui. Ils savent être vrais, prendre le temps de sintéresser à ce qui ne sert à rien, faire confiance, juste pour le plaisir de marcher avec lui dans la neige.
Le récit est à la fois cocasse et terrible. Lhumour noir de J.-P. Dubois fait des ravages. Une sorte de poésie fait grincer des phrases limpides (comme dans les titres de précédents romans : Tous les matins je me lève, Les poissons me regardent, Parfois je ris tout seul, La Vie me fait peur
Mais Paul est inadapté à une modernité qui ressemble bien à la nôtre, ses questions sont les nôtres. Cest un moraliste désabusé qui nous fait sourire avec cette histoire dascenseur et de solitude. Oui «la vie est un sport individuel», et comme l'a dit J.-P. Dubois dans un entretien : «cest un boulot de longue haleine de se construire une vie qui ne mène à rien».
François Dirson ( Mis en ligne le 09/11/2012 ) Imprimer
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