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Solitude et ressassements d'un auteur
Patrick Chamoiseau   L'Empreinte à Crusoé
Gallimard - Folio 2013 /  7.20 € - 47.16 ffr. / 329 pages
ISBN : 978-2-07-045350-4
FORMAT : 11,0 cm × 17,8 cm

Première publication en mars 2012 (Gallimard - Blanche)
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Robinson Crusoé de Daniel Defoe a paru pour la première fois en France en 1719. Depuis, le personnage est devenu un mythe de la littérature, et le roman n’a cessé de donner lieu à de nombreuses variations. La plus connue est celle de Michel Tournier avec Vendredi ou les Limbes du pacifique (1967). Il faut dire que Robinson Crusoé offre une intrigue idéale : un homme dans un lieu paradisiaque, confronté à la pire situation qui soit dans un tel lieu : la solitude, loin de toute civilisation.

Daniel Defoe cherchait à son époque à entrevoir la réalité de la nature humaine, loin des enrobages de la civilisation, avant de confronter son héros à autrui. De surcroît, Robinson Crusoé s'interrogeait sur les valeurs «civilisatrices» du système économique des XVIIIe et surtout XIXe siècles, fer de lance de la société libérale de l'époque, comme l'explique l'essai Le Paradoxe de Robinson. Capitalisme et société (Éditions Mille et une nuits). L’Empreinte à Crusoé, de Patrick Chamoiseau, prolonge cette interrogation sans faire intervenir le personnage de Vendredi, laissant Robinson absolument seul, fasciné par l'empreinte qu'il croit être celle d'un autre que lui.

Patrick Chamoiseau a du talent pour écrire, décrivant de manière sensuelle l'existence de Robinson, seul et tourmenté, dans cette île belle et sauvage. Il met en valeur toutes les formes et les sons (oiseaux, bruits divers, etc.) qui traversent la conscience de plus en plus agitée de Robinson dans ce paradis «perdu». Il agrémente son récit d'extraits de Parménide et d'Héraclite sur le monde, passages de livres qu'a gardés son héros solitaire mais qui éloignent du coup le récit de sa forme romanesque. Le livre devient alors un peu trop "intellectuel", nous coupant du récit proprement dit.

Malgré la beauté formelle du roman, Patrick Chamoiseau ne parvient ainsi pas à captiver son lecteur. L’auteur de Texaco (prix Goncourt 1992) retravaille bien tous les éléments narratifs du Robinson de Daniel Defoe mais il semble piétiner par des descriptions répétées sans donner voix originale à son héros ; par l'exposé de ses réflexions aussi, qui ne nous apprennent rien de bien nouveau sur le «calvaire paradisiaque» de l’homme jeté dans le monde, entre rêve idéal et terreur d’exister.

Patrick Chamoiseau joue du point virgule dans chaque passage, créant un flot de conscience ininterrompu qui s'accélère de plus en plus vers la fin. Robinson est en même temps laissé seul avec lui-même et fasciné par la présence de cette empreinte sur le sable, présence d'une absence humaine, plus improbable que réelle, et qui alimente sa conscience de plus en plus délirante. Robinson s'interroge sur son sort, insupportable solitude d’un être ''condamné'' à lui-même pendant plus de vingt ans. Un roman au final beau et bien écrit, mais dont les tenants et aboutissants tournent en rond.

Patrick Chamoiseau adjoint à son «récit» une sorte de «making-of» d’une vingtaine de pages, intitulé «L'’Atelier de l’empreinte» ; des notes, sortes de chutes textuelles, des "bouts" qui n’ont pas trouvé leur place dans le texte. Le choix de les montrer est étrange. Pourquoi mentionner à la fin du livre ce qui n'est pas dit et écrit dans le roman ? Pourquoi mettre en exergue ces scories qu'il n'a pas voulu intégrer au récit ? Délicat entre-deux. Car dans un roman, il faut faire un choix. On a là peut-être le symptôme de l'ambition d'un auteur ne parvenant pas à opter pour une voix plus franche ou plus accomplie. On le regrette ; on s'attendait à un roman qui renouvellerait l’œuvre originale par une réflexion inédite sur notre monde et notre époque.


Yannick Rolandeau
( Mis en ligne le 28/10/2013 )
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