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Nous sommes tous malades, avec Paul Steiner
Olivier Adam   Les Lisières
J'ai lu 2013 /  7.90 € - 51.75 ffr. / 504 pages
ISBN : 978-2-290-06848-9
FORMAT : 11,0 cm × 17,8 cm

Première publication en août 2012 (Flammarion)
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Olivier Adam poursuit avec Les Lisières - titre sublime - son oeuvre autofictive. Où l'autobiographie semble encore plus assumée ; le ''je'' de Paul, double narratif de l'auteur, dit plus souvent et sans artifice qu'il s'appelle aussi Olivier. Un je éreintant, insupportable à soi-même, lourd, trop lourd, surdéfini ici par les mots pour signifier en fait son indéfinition, sa posture essentiellement périphérique, hors d'un espace-temps que nous partageons pourtant tous : aux lisière donc, de sa famille, de ses amis, de ses différentes vies, et de la société même.

Outsider tuant par les mots le père et la patrie, ses origines et notre biotope français, franchouillard, hexagonal et en-dedans, rance, putride même. Les Lisières associe ce mal-être d'un homme au malaise d'une société, lisières intimes et celles géographiques et sociales des limes s'excentrant depuis l'omphalos parisien : le microcosme germanopratin où Paul/Olivier, auteur/scénariste à succès, trouve tout aussi mal ses repères et son espace-temps. Lisières encore donc, pour un fils de prolo mal sis dans les humeurs si stratosphériques et si mesquines aussi des happy fews de Saint-Germain (le passage où le narrateur assassine son éditeur historique explique-t-il le passage d'Olivier Adam de L'Olivier à Flammarion ?...).

Mais les lisières, ce sont surtout les périphéries urbaines et provinciales d'une France sans hérauts, mal aimée, caricaturée, snobée, crainte. Une France qui a peur, qui haït, rejette et s'enferme dans des choix sans pensées. Cette ''France qui tombe'', d'où vient notre anti-héros, qu'il snobe à son tour autant qu'il l'aime, dans une position dès lors fondamentalement inconfortable, est celle qui a osé le baiser à la Blonde, la fille de son père JMLP, Madame F.N. Ici sous les traits du père de Paul, ouvrier en bout de course sociale, mais aussi ceux du frère, petit bourgeois vétérinaire supporter de l'UMP, aux réflexes à peine moins racistes et timorés.

«... le centre était devenu la périphérie. La périphérie était devenue le centre du pays, le coeur de la société, son lieu commun, sa réalité moyenne. Partout s'étendaient des zones intermédiaires, les banlieues, les banlieues n'en finissaient plus de grignoter les champs, au milieu des campagnes surgissaient d'improbables lotissements pavillonnaires. La périphérie progressait à l'horizontale, s'étendait à perte de vue, mangerait bientôt la totalité du territoire. Oui, cela ne faisait aucun doute, la périphérie était devenue le coeur. Un coeur muet, invisible, majoritaire mais oublié, délaissé, noyé dans sa propre masse...». Plus loin : «Il me semblait qu'un pan entier du pays vivait avec un oeil dans le rétroviseur, la pédale sur le frein, la nostalgie d'un temps qui n'avait pas existé en bandoulière, du sépia plein les doigts».

C'est cette peinture percutante, franche et dite du-dedans, par un auteur sis entre deux-mondes, celui banlieusard et sinistré qu'il a fuit, celui vain et guindé où il s'est fait un nom, qui fait tout l'intérêt du dernier roman d'Olivier Adam. Car l'autofiction s'y dilue, s'y universalise, trouve alors sa raison d'être. Romantisme post-moderne, étalage d'un ''je'' grimé et grimaçant pouvant exclure le lecteur par son excessive complaisance, ces souffrances joliment dites, des effets de miroirs jouant à l'infini et en déformations multiples, cette posture auto-fictive sert aussi à peindre un ''nous'' (ce que l'autofiction ne réussit pas toujours à faire et ce que la plume d'Adam risque toujours de manquer, par son ânonnement, ce lavis littéraire et élégiaque, ces jérémiades à répétitions - Philip Glass en musique illustrerait le style d'Adam, envoûtant, fatiguant, entêtant, organiquement mélancolique).

L'histoire d'un romancier dépressif, tout juste séparé de sa femme Sarah, de ses enfants Clément et Manon, retournant dans la banlieue parisienne de son enfance, assister un père désemparé par la maladie de sa mère, et renouant du coup avec l'univers social qu'il s'était appliqué à fuir. Jusqu'à retrouver un fantôme dont il ressentait depuis toujours l'existence, sans jamais l'avoir connu.

Le ''je'', au moment où sa pesanteur risque de trouer la page, se libère dans un plus que soi qui nous constitue tous, lecteurs, anonymes, faiseurs d'Histoire sans noms, petits bouts d'une chaîne sociale cassée. L'appel d'air est salutaire, quand bien même il aboutit en effet au constant d'une société aussi malade que Paul Steiner, double d'Olivier Adam.


Thomas Roman
( Mis en ligne le 08/07/2013 )
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