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Mère et fils
Richard Russo   Ailleurs
10/18 - Domaine étranger 2015 /  7,80 € - 51.09 ffr. / 262 pages
ISBN : 978-2-264-06518-6
FORMAT : 11,0 cm × 17,8 cm

Première publication française en septembre 2013 (Quai Voltaire)

Jean Esch (Traducteur)

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Les relations mère fils fournissent un chapitre abondant de la littérature, on peut penser à Proust ou à Romain Gary, au hasard… Mais il est moins fréquent qu’un auteur raconte comment il a vécu 35 ans avec sa mère, à ses côtés (tout en étant marié avec une épouse compréhensive…), la soutenant jusqu’à sa mort pour tenir la promesse faite enfant.

Romancier de l’Amérique moyenne, Richard Russo (né en 1949) raconte dans ce beau livre son enfance dans une petite ville des Adirondacks, Gloversville, la ville du gant. Son grand-père, d’origine italienne, s’y était installé et la famille y a fait souche. Dans le prologue, Richard Russo explique son propos : «Cette biographie - je ne sais pas quel autre nom lui donner - est une histoire de croisements : entre des lieux et des moments, le privé et le public, des destins liés et des attachements défectueux. C’est plus l’histoire de ma mère que la mienne, mais c’est aussi la mienne car, jusqu’à il y a quelques années encore, ma mère était rarement absente de ma vie». Une mère déterminée, élégante, assoiffée d’indépendance, qui élève seule – du moins aime-t-elle à le penser - son fils, né d’un bref mariage vite malheureux. Seule mais en fait avec en arrière-plan le soutien indéfectible des parents, de la sœur, plus tard du fils.

Avec sensibilité, Richard Russo retrace son enfance à Gloversville, petite ville naguère prospère, aujourd'hui en déclin, et l'on comprend mieux comment il s’est construit comme écrivain, ainsi que le choix de ses thèmes de prédilection. Puis son départ vers l’Ouest, en 1967, avec sa mère, dans une vieille voiture qu’il surnomme «la mort grise», alors qu’il venait tout juste d’avoir son permis. Épopée improbable, road movie qui les conduit des Adirondacks à Phoenix, Arizona ; un autre monde ! En Arizona, il poursuit des études universitaires brillantes, se marie, tandis que sa mère tente de s’adapter à un nouveau monde, fort éloigné de celui dont elle rêvait à Gloversville.

Au cours des décennies qui suivent, Richard Russo devient écrivain, un des auteurs américains reconnus (il reçoit en 2002 le prix Pulitzer pour son roman Le Déclin de l’empire Whiting), vit de son métier, fonde une famille heureuse avec Barbara et leurs deux filles, change de région pour finalement se fixer dans le Maine, dans une grande maison. Mais si sa vie suit une ascension paisible, celle de sa mère au contraire est marquée par la souffrance et l’instabilité. A plusieurs reprises, elle retourne s’installer à Gloversville, déménagements du désespoir qui débouchent immanquablement sur l’échec, suivis d’autres déménagements pour revenir vers son fils.

Deux récits : celui du fils qui observe inquiet les angoisses de sa mère, son inadaptation croissante à la réalité, et un autre récit, en filigrane, dû également à Richard Russo qui tente de donner le point de vue de Jean Russo, la mère, jamais satisfaite mais toujours convaincue que le meilleur peut arriver… ailleurs, qui traite ses angoisses en «se passant un bon savon», qui prend de plus en plus de distances avec la réalité. Le texte commence et s’achève avec la mort de la mère, entretemps une – deux - vies entières, la naissance d’un écrivain, la survie courageuse et insensée de la mère dont le fils réalise tard qu’elle était probablement atteinte de TOC, de troubles obsessionnels qui, plus tard, à une autre époque, auraient pu être soignés. Et la culpabilité ressentie de n’avoir peut-être pas fait tout ce qui était en son pouvoir pour la soulager de la douleur de vivre. La douleur aussi de voir sa mère disparaître deux fois en somme : lorsqu’il réalise qu’elle n’a jamais été «équilibrée», «givrée», comme lui avait fait remarquer son père, et la douleur de la perte définitive, deux séparations à assumer. Un portrait complexe de cette femme qui toute sa vie est sortie de l’ordinaire pour le pire et le meilleur ; le meilleur : sa passion de la lecture ; le pire et le meilleur : les liens qui l’unissaient à son fils qui reconnaît à la dernière phrase du livre : «(…) car je suis le fils de ma mère».

Un beau texte, tendre, sur la folie ou la dérive, sur ces liens forts qui unissent mère et fils, mais également sur l’écriture et l’écrivain, ogre de son entourage.


Marie-Paule Caire
( Mis en ligne le 14/09/2015 )
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