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Poches -> Littérature |
| Gueorgui Vladimov Le Fidèle Rouslan 10/18 - Domaine étranger 2015 / 6.60 € - 43.23 ffr. / 236 pages ISBN : 978-2-264-06494-3 FORMAT : 10,8 cm × 17,8 cm
Première publication française en janvier 2014 (Belfond - Vintage)
Owen Matthews (Préfacier)
François Cornillot (Traducteur) Imprimer
Que faire du fidèle Rouslan ? Cest la question que se pose un anonyme gardien de camps soviétique après la libération des détenus, les Zeks. On est en pleine déstalinisation et un chien de garde qui na plus personne à garder est, en soi, un vestige, un inutile voire une menace. Rouslan, si musclé, si bien dressé, si efficace au «service», à savoir la chasse des fuyards et la punition des rétifs, na pas vraiment le choix de son destin
mais la-t-il jamais eu ?
La mort plane un instant sur lui, mais même les gardiens de camp naiment pas tuer les chiens, le voilà donc errant, vivante métaphore dun système en train de disparaître. Alors Rouslan tente de garder son identité, de retrouver, hors du camp, un statut, un rôle, une mission. Il cherche des ordres, de laffection, un sens même à son existence
Lapprentissage de lobsolescence va de pair avec celui de la liberté, une liberté qui le terrifie. Surtout si son guide dans ce nouveau monde est le Râpé, un ancien détenu, pour lequel on finit par se demander : Qui garde qui ?...
Louvrage de Gueorgui Vladimov est ancien : écrit dans les années 60, passé clandestinement en Occident via le réseau des samizdats, il a été publié une première fois en France en 1978. Lhistoire, à la première personne, de ce chien de garde dans un goulag, est alors considérée comme un texte de Soljenitsyne, et un nouvel exemple de cette écriture dissidente russe. Le style est pourtant différent, mais cest la même condamnation, sans équivoque, dune entreprise de destruction de lindividu, et daliénation. Rouslan, serviteur sans conscience du goulag, narrive pas à se penser autrement quen chien policier, et méprise, dun seul grondement, les idées de plaisir, damitié
«Je sers donc je suis».
Errant dans une URSS nouvelle où anciens gardiens et anciens détenus trinquent ensemble dans des bouges crasseux, il en perd le fil de sa vie. La métaphore est efficace, drôle, et renvoie à cette Ferme des animaux orwellienne où le règne animal singeait le stalinisme. Ici, pas de discours théorique sur la souveraineté, mais juste une mystique de lobéissance aliénante dans un monde neuf. Un roman subtil, qui, sans rivaliser avec luvre de Soljenitsyne, mérite largement le détour, comme une nouvelle déclinaison de cet humour russe à la fois réaliste et cynique, appliqué à lun des drames majeurs du XXe siècle.
Gilles Ferragu ( Mis en ligne le 04/12/2015 ) Imprimer | | |
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