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Poches -> Littérature |
| Antoine Volodine Terminus radieux Seuil - Points 2015 / 8,60 € - 56.33 ffr. / 560 pages ISBN : 978-2-7578-5470-9 FORMAT : 11,0 cm × 17,8 cm
Première publication en août 2014 (Seuil - Fiction et Cie)
Prix Médicis 2014 Imprimer
Le rêve soviétique vient de sécrouler
pour la seconde fois : la nouvelle URSS a vu son empire quasi mondial saffaisser sous les coups des fascistes (bis repetita) et sa capitale, lOrbise, nest plus. Les survivants et derniers idéalistes, rassemblés dans quelques résidus de régiments et de bataillons, se battent ou fuient, direction la Sibérie, contaminée par des installations nucléaires vétustes et si radioactive que même le capitalisme ne saurait y survivre. Un Tchernobyl de la taille dun continent, mais peut-être le dernier havre pour ces vaincus du communisme.2 ! Cest là querrent trois vétérans des armées de lOrbise, Kronauer, Iliouchenko et la belle Vassilissa Marachvili. Décidés à agoniser libres, ils avancent dans la taïga, sillonnent les plaines, suivent les chemins oubliés, passent à travers les kolkhozes radioactifs et attendent la fin.
Mais la fin ne vient pas, ou alors elle advient différemment : le groupe se sépare et Kronauer, parti en avance, aboutit dans un étrange kolkhoze, le Terminus radieux, dominé par la figure de Mémé Oudgoul, lune des rares humaines à supporter les radiations, qui lont quasiment rendue immortelle, ainsi que son tendre ami, le terrifiant Soloviei, idéologue dévoyé et chaman puissant. Là réside une petite communauté formée de morts vivants et des filles de Soloviei
Tandis que Kronauer découvre les pièges vertigineux de Terminus Radieux, Illiouchenko part dans un train perdu, une version ferroviaire du Hollandais volant, avec une troupe de vétérans, plus morts que vivants, en quête du dernier camp de concentration sibérien, dont la vie réglementée leur semble un jardin dEden. Quant à Marachvili, morte la première, elle attend sa résurrection pour une semi-existence sous la coupe de Soloviei. La vie, la mort : ça va et ça vient à Terminus radieux où seule compte lidéologie, qui, elle, survivra peut-être à cette seconde apocalypse.
Un roman surprenant, déroutant et génial à la fois : certes, un roman sombre, écrit dune plume légère, pour un temps de crise. Les idéologies sécroulent, la guerre progresse, lhumanité est en ruine, lavenir radieux du nucléaire prend leau, le monde est à lagonie et seules quelques plantes subsistent, ainsi que les mouches. Une fin du monde bucolique et rouillée, éclairée par les radiations : tel est le paysage dans lequel Antoine Volodine nous installe. Et dans ce no mans land, les personnages errent, errance physique ou morale, après la chute de la seule grande idée qui les réunissait, le communisme. On se raccroche alors à ce quon peut : le nettoyage des zones irradiées pour mémé Oudgoul, la surveillance maladive de sa communauté pour le chaman Soloviei, une quête improbable pour Iliouchenko
Chaque personnage dont lauteur détaille le parcours, les rencontres et les échecs se heurte aux autres, et sen revient à sa solitude. Louvrage nous entraîne dans cette galerie étrange de portraits, de paysages et dintrigues, où même la réalité sefface devant la magie de Soloviei. Des trains qui avancent sur une ligne infinie, des hommes qui meurent, revivent et re-meurent, un monde où la vie se réinvente, différente, à la lumière des radiations et de latome. Un monde onirique où la magie le dispute à la science, le surnaturel à la mort
le merveilleux monde de Soloviei. Il est loin le matérialisme
Le réalisme magique, version russe post-communiste : un objet littéraire incongru, mais hautement jouissif, écrit dune plume inspirée
Un roman inclassable mais aussi incontournable, qui rappelle les grands romans de voyage en Sibérie (A marche forcée de S. Rawicz notamment) : un enchantement atomique.
Gilles Ferragu ( Mis en ligne le 23/09/2015 ) Imprimer
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