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Poches -> Littérature |
| Mary Lawson Un hiver long et rude 10/18 2016 / 8,10 € - 53.06 ffr. / 381 pages ISBN : 978-2-264-06673-2 FORMAT : 11,0 cm × 17,8 cm
Première publication française en janvier 2015 (Belfond)
Michèle Valencia (Traducteur) Imprimer
Un titre qui tombe comme une chape de plomb pour ce village imaginaire du Nord de lOntario, au Canada : Struan ; un hiver long pour les Cartwright, famille traditionnelle de huit enfants quand débute lhistoire, qui ne sait pas sorganiser, où toutes les relations entre les membres se délitent par manque de communication. Il fait très froid dehors... et dans ces curs angoissés. Un hiver rude par les drames que les personnages vivent mal, avec la neige qui engourdit les esprits et les corps, dans un paysage pétrifié où le huis clos imposé par les conditions météorologiques fait éclater les crises. La famille est en chute libre...
En 1967, le fils aîné, Tom, assiste au suicide de son meilleur ami, le fils du pasteur, Robert, qui sest laissé tomber dans un ravin au bord de la forêt. La mère, Emily, reste dans sa chambre avec ses nourrissons : «Elle naimait que les bébés, cest peut-être pour cette raison quelle ne cessait denfanter». Elle na aucun rôle dans cette maisonnée de huit enfants dont la seule fille Megan, vingt-et-un ans, épuisée par lentretien de la maison et léducation de ses frères, part à Londres. Le père, quand il nest pas à la banque, senferme dans son bureau et ressasse ses mauvais souvenirs, indifférent aux enfants. Peter et Corey, les jumeaux, livrés à eux-mêmes, se haïssent et se battent férocement. Quant à Adam, petit bonhomme de quatre ans, solitaire et effacé, négligé par les grands, il dort dans son lit trempé durine, plusieurs semaines durant. Le réfrigérateur est souvent vidé par cette somme dégoïsmes.
Le récit ricoche entre 1966 et 1969, avec une action centrée sur trois personnages : Megan qui sévade car elle nimagine pas sa vie à élever ses frères (ils sont maintenant dix en tout) dans lindifférence générale ; Tom son frère, malgré un diplôme dingénieur dans laéronautique, préfère conduire chaque matin le chasse-neige pour éviter les tempêtes et les pensées noires ; et enfin le père, Edward, dont le mariage avec Emily a entravé ses chances d'une vie pleine despoir et de sens. Mais tous les trois bénéficient damis qui leur redonnent lespérance en la vie. «Mais alors, donnait-il à ce point limpression davoir besoin quon vienne à son secours. Paraissait-il aussi mal en point, aussi près de seffondrer ?».
Larc émotionnel est en grande partie intérieur et présenté au travers de monologues et de flashbacks. Megan évolue peu à Londres ; Tom et le père balancent entre la curiosité livresque et la colère poignante. Ce récit trouve un vrai rythme dans le portrait dEdward, tout le long du roman, un homme imparfait mais à limagination riche. Son enfance terrible et son adolescence remontent à la surface quand il lit les journaux secrets de sa mère. Mais les pires circonstances ne sont pas définitives et Mary Lawson suggère une fin moins triste. Le père réalise quil ne peut échapper à son passé quen assumant ses responsabilités au sein de cette tribu quil a créée, ne pouvant espérer daide dune Emily perdue dans sa folie.
Dans ce roman familial où la haine et lamour se mêlent, le froid et la neige sont à lunisson des émotions : la situation saméliore au printemps 1969 (quand la neige commence à fondre...). On ressent une grande humanité dans ce récit riche en personnages attachants qui nous émeuvent. Lécriture est dense et foisonnante ; Mary Lawson connaît bien lâme humaine et les lieux quelle décrit, dans le grand Nord canadien ainsi qu'à Londres.
Un bon roman qui sent comme la fin d'un hiver.
Eliane Mazerm ( Mis en ligne le 20/01/2016 ) Imprimer | | |
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