|
Poches -> Littérature |
| Alice Hoffman Un secret bien gardé J'ai lu 2006 / 6.40 € - 41.92 ffr. / 350 pages ISBN : 2-290-33645-9 FORMAT : 11 x 18 cm
Première publication française en octobre 2002 (Flammarion).
Traduit de laméricain par Pierre Ménard. Imprimer
Soit une petite ville bien tranquille du Massachusetts, Monroe ; un citoyen héroïque à ses heures, Ethan Ford, et un été naissant qui magnifie la nature. Introduisez un événement perturbateur la révélation dun crime commis par cet homme respecté de tous et observez les conséquences
Partant dune thématique somme toute assez banale et maintes fois exploitée, Alice Hoffman parvient à donner à ce filon romanesque un nouvel éclat en évitant le parti attendu du thriller (nen déplaise au rédacteur de la 4e de couverture et à son «enquête terrifiante», son «suspense qui tient le lecteur en haleine...») pour sorienter vers la chronique psychologique.
La culpabilité dEthan Ford est très vite établie comme un fait acquis ; laspect judiciaire de laffaire est insensiblement estompé du récit, de même que limpact de celle-ci sur la petite communauté de Monroe. Et lintérêt des lecteurs est peu à peu détourné dEthan Ford lui-même : si Alice Hoffman consacre un chapitre entier à celui qui se nommait encore Bryon Bell au moment de son crime, elle ne sattarde guère sur les tempêtes qui font rage sous le crâne du prisonnier confronté à son passé. Le coupable ne paraît pas lintéresser. Pas plus que les agissements collectifs : les lieux qui cimentent la vie sociale de la ville, la constitution dun comité de soutien à laccusé, sont comme amputés de leur valeur communautaire. Ils cessent dêtre des facteurs essentiels à la collectivité pour servir décrin ou de catalyseur aux seules réactions individuelles dun petit échantillon de protagonistes renvoyés à leur propre passé, à leurs choix et à leur attitude face à la vie.
En sattachant ainsi aux introspections des uns et des autres, en se focalisant sur la manière dont leffondrement dun héros local bouleverse quelques destinées, lauteur semble adopter une démarche expérimentale rappelant celle préconisée par Zola dans son Roman expérimental. Mais peut-être cette interprétation vient-elle surtout à lesprit à cause de cette prégnance quont le climat, la végétation, le cheminement des saisons sur les comportements, prégnance qui lève aussitôt le souvenir de La Faute de labbé Mouret avec son parc luxuriant et les deux jeunes gens propulsés dedans comme dans un tube à essai par un Dr Pascal des mieux intentionnés
Si le thème de la résurgence dun passé trouble pouvait amener le pire en matière de déjà-lu, Alice Hoffman a fort habilement louvoyé autour de la facilité en renonçant autant à lanalyse sociologique convenue quau thriller pur ou au mélodrame larmoyant. Son récit témoigne dune parfaite maîtrise de la narration et dune grande finesse psychologique. Pimenté dune pointe de cynisme aussi grinçant que discret, auréolé dune subtile étrangeté par le personnage de Kat Williams, Un secret bien gardé savère être une expérience romanesque réussie en tous points.
Isabelle Roche ( Mis en ligne le 31/03/2006 ) Imprimer | | |
|
|
|
|